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#Connaissance 03 - Les mille visages de la connaissance : Un tour du monde des sagesses

Hindouisme, Bouddhisme, Islam, Tao… Voyage dans les épistémologies non-occidentales


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Cet épisode 3 de la série “connaissance et épistémologie” explore les approches de la connaissance dans différentes traditions non-occidentales, notamment indiennes, chinoises, islamiques, africaines et amérindiennes, en mettant l'accent sur leurs spécificités et leurs contributions à l'épistémologie.


  1. Liste des penseurs et concepts cités :

    • Vedanta : Brahman, Maya

    • École Nyaya : Pramanas

    • Bouddhisme : Anicca, Anatta, Prajñā

    • Confucius : Ren

    • Lao Tseu : Dao, Wu Wei

    • Al-Ghazali, Ibn Rushd (Averroès)

    • Al-Khawarizmi, Ibn al-Haytham, Avicenne, Al-Biruni

    • Ubuntu

    • Concept de Sankofa (Akan)


  2. Concepts clés introduits ou développés :

    • Connaissance révélée et sacrée

    • Non-dualité (Vedanta)

    • Impermanence et interdépendance (Bouddhisme)

    • Connaissance comme vertu (Confucianisme)

    • Wu Wei (Taoïsme)

    • Ijtihad et Ijma (Islam)

    • Connaissance communautaire et relationnelle (Ubuntu)

    • Transmission orale et expérientielle du savoir


  3. Citations importantes :

    • "Tat tvam asi" (Tu es Cela) - Upanishads

    • "Nous sommes ce que nous pensons" - Dhammapada

    • "Étudier sans réfléchir est vain. Réfléchir sans étudier est dangereux." - Confucius

    • "Le Tao dont on peut parler n'est pas le Tao éternel." - Lao Tseu

    • "Le doute est pour arriver à la certitude." - Al-Ghazali

    • "Je suis parce que nous sommes" - Ubuntu


Tableau de progression des idées :

Tradition

Concepts clés

Penseurs/Écoles majeurs


Indienne

Maya, Pramanas, Impermanence

Vedanta, Nyaya, Bouddha


Chinoise

Ren, Dao, Wu Wei

Confucius, Lao Tseu


Islamique

Ijtihad, Ijma, Synthèse gréco-arabe

Al-Ghazali, Averroès


Africaine

Ubuntu, Sankofa, Tradition orale

Cultures diverses


Amérindienne

Holisme, Relation avec la nature

Maya, Aztèque, Inca


Épisode

Période/Tradition

Concepts clés

Penseurs majeurs

1

Antiquité grecque

Raison vs. expérience

Platon, Aristote



Doute sceptique

Pyrrhon



Logique formelle

Aristote

2

Moyen Âge

Connaissance révélée

Saint Augustin



Synthèse foi-raison

Thomas d'Aquin


Renaissance

Humanisme, Observation directe

Pétrarque, Vésale



Héliocentrisme

Copernic

3

Tradition indienne

Maya, Pramanas, Impermanence

Vedanta, Nyaya, Bouddha


Tradition chinoise

Ren, Dao, Wu Wei

Confucius, Lao Tseu


Tradition islamique

Ijtihad, Ijma, Synthèse gréco-arabe

Al-Ghazali, Averroès


Tradition africaine

Ubuntu, Sankofa, Tradition orale

Cultures diverses


Tradition amérindienne

Holisme, Relation avec la nature

Maya, Aztèque, Inca





Transcript de l'épisode


Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce troisième épisode de notre exploration de la connaissance.

Dans les précédents épisodes de la cette série sur la connaissance et l’épistémologie que vous êtes des millions à écouter et à partager, nous avons voyagé de la Grèce antique à la Renaissance européenne, explorant les fondements de la pensée occidentale sur la connaissance. Aujourd'hui, nous allons élargir notre horizon et explorer comment d'autres cultures et civilisations ont abordé cette question fondamentale : Que savons-nous ? Et pour les meilleurs élèves qui ont pris un peu d’avance, comment savons-nous ce que nous savons ?

Parce que c’est bien de savoir des trucs, mais c’est encore mieux de savoir la source de notre connaissance est viable ou non, parce que sinon bah on risque de savoir des trucs, mais des trucs qui sont faux, ou qui ne marchent pas. Parfois de se tromper, ça n’a pas de conséquence évidemment. Par exemple quand ma file est persuadé d’avoir vu la petite souris embarquer sa dent en échange d’une pièce, elle se trompe, mais c’est sans conséquence et je ne passe pas 10 minutes à débattre avec elle pour la convaincre qu’elle avait rêvé parce qu’en fait il ne peut pas y à avoir de souris dans la maison parce qu’on les a déjà toutes empoisonnées et que par ailleurs les souris s’en foutent complètement des dents et n’ont pas d’argent puisque leur société est organisée autrement, sans banque, sans dette et en donc parfait équilibre avec la nature.


Mais si elle est convaincu que si elle saute du balcon elle peut voler comme un oiseau je vais passer 10 minutes à lui parler des lois basiques de la physique dont la gravité, en lui faisant remarquer que ses bras n’ont pas suffisamment de portance pour la faire planer.


Et donc parfois je dois passer plus de 10 minutes…

Une connaissance juste peut donc être utile pour jouer un peu plus longtemps et un peu plus sereinement au jeu de la vie. Il y a quelques règles immuables à bien connaitre. Mais donc, l’histoire de la découverte de ces règles et surtout des méthodes de découvertes est longue et parsemée d’embûche et on verra qu’elle est loin d’être finie.

Alors reprenons notre cheminement avec ce détour important du côté des pensées et traditions non-occidentales.

Mais avant de vraiment commencer je vous donne quelques éléments de contexte :

D’abord, il se replacer dans des civilisations pour qui ni Platon, ni Aristote, ni Descartes n’existent. Pour les traditions indiennes, chinoises, islamiques et africaines dont on va dire deux mots, nos illustres philosophes étaient de illustres inconnus, soit parce qu'ils n'étaient pas encore nés, soit parce que leurs idées n'avaient pas circulé. C'est qu'avant, il en fallait du temps pour parcourir le monde, à dos de cheval ou à dos de chameau.

Par ailleurs contrairement à l'Europe qui a connu des ruptures majeures comme la chute de l'Empire romain ou la Renaissance, de nombreuses civilisations asiatiques et africaines ont connu une continuité culturelle sur des millénaires. Cette continuité a permis le développement de traditions intellectuelles extrêmement sophistiquées et durables, souvent basées sur une transmission orale et une pratique vivante plutôt que sur des textes figés.

Enfin, il y a un concept clé à garder en tête tout au long de cette exploration du jour vous faire celui de la connaissance révélée.

Dans de nombreuses cultures, la source ultime du savoir n'est pas l'observation ou le raisonnement, mais une révélation divine ou ancestrale, ou en tout cas quelque chose de présentée comme telle. Que l’on croit à une source d’ordre divin ou plutôt à une forme étonnante de perception, d’intuition ou de sagesse humaine telle qu’on n’en a plus vu depuis des lustres, là n’est pas la question. Ce qu’il faut retenir ici c’est que cette idée a façonné - et continue de façonner - la vision du monde de milliards de personnes dont vous faites d’ailleurs peut-être partie, et comme nous l’avons dans l’épisode précédent, elle est lourde de conséquence sur la progression des idées en générale et sur la capacité à remettre en question l’ordre établi. Que l’on juge cela bon ou mauvais, on n’approche pas la quête de connaissance selon que l’on soit dans un contexte vérouillé par la croyance en une connaissance révélée et indépassable, ou non.

Pardonnez-moi cette petite introduction un peu scolaire, on attaque l’histoire.


Commençons notre voyage en Inde, berceau de plusieurs traditions philosophiques millénaires. Dans la pensée indienne, la connaissance n'est pas simplement un outil pour comprendre le monde, mais un moyen de libération spirituelle, rien que ça.

Cette approche contraste donc fortement avec la vision occidentale moderne qui tend à séparer la connaissance de la transformation personnelle.

Prenons l'exemple du Vedanta, l'une des six écoles orthodoxes de la philosophie hindoue. Pour les penseurs du Vedanta, la réalité ultime est le Brahman, une conscience pure et indifférenciée. Notre ignorance de cette réalité est la source de toute souffrance. La connaissance, ou "vidya", n'est donc pas une simple accumulation d'informations, mais une réalisation profonde de notre vraie nature.

Cette idée est magnifiquement exprimée dans la célèbre formule des Upanishads : "Tat tvam asi" que je suis certain de parfaitement prononcer et qui signifie "Tu es Cela". Une petite phrase qui illustre l'unité fondamentale entre l'âme individuelle et le Brahman, c’est à dire l'absolu dont tout procède, le fondement et la cause ultime de tout ce qui existe.

“Tu es cela”. Dit autrement, “chacun est aussi le tout”. Tout est lié, les séparations sont illusoires.

Cette conception non-duelle de la réalité a des implications profondes pour l'épistémologie indienne. Si le sujet connaissant et l'objet connu sont en fait un, une seule et même chose, ça remet totalement en question la notion même de connaissance objective telle qu’on la conçoit traditionnellement en Occident. La connaissance devient alors un processus de dévoilement plutôt que d'acquisition.

Donc en fait, et c’est assez profond, connaître pourrait signifier se connaître soi-même ?

Un autre concept clé de la philosophie hindoue notamment dans le Vedanta, c’est Maya, c’est idée que l’on ne voit jamais le monde tel qu’il est vraiment.

Maya n'est pas simplement une illusion au sens d'une hallucination ou d'un mirage. C'est plutôt une sorte de voile cosmique, un filtre qui nous empêche de voir la réalité telle qu'elle est en réalité. On porte des lunettes filtrantes et déformantes qu’on ne peut pas enlever. Vous imaginez bien que l’idée me plait bien.

Imaginez que vous regardez un film tellement captivant que vous en oubliez que vous êtes dans une salle de cinéma. Vous vous immergez complètement dans l'histoire, ressentant les émotions des personnages, oubliant momentanément votre propre réalité. Maya fonctionne un peu de la même manière, mais à l'échelle de notre expérience totale de la réalité.

Selon cette conception, le monde que nous percevons avec nos sens - avec sa diversité, ses changements, ses joies et ses peines - n'est pas la réalité ultime. C'est une projection, une apparence qui cache la véritable nature de l'existence, qui est le Brahman, l'Un indifférencié.

La Bhagavad Gita, un des textes fondamentaux de l'hindouisme, exprime cette idée ainsi : "Cette divine illusion qui est mienne, constituée des gunas, est difficile à transcender. Seuls ceux qui se réfugient en moi peuvent la traverser." Cette citation souligne à la fois la puissance de Maya - même les plus sages peuvent être trompés par elle - et la possibilité de la transcender par la réalisation spirituelle.

L'idée de Maya nous invite à remettre en question notre perception habituelle du monde. Elle suggère que notre connaissance ordinaire, basée sur nos sens et notre intellect, est fondamentalement limitée et potentiellement trompeuse. La vraie connaissance, selon cette perspective, consiste à voir au-delà de Maya, à réaliser l'unité fondamentale de toute existence.

Ce concept peut sembler abstrait, mais il a des implications profondes pour notre compréhension de la connaissance. Il suggère que la vérité ultime ne peut être atteinte par l'accumulation d'informations ou par le raisonnement logique seul, mais nécessite une transformation radicale de notre conscience.

Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous vous dites que Maya c’est un peu pareil que l'allégorie de la caverne de Platon. Tout comme les prisonniers de la caverne qui ne voient que des ombres projetées sur un mur et les prennent pour la réalité, nous sommes, selon le concept de Maya, captifs d'une illusion qui nous fait prendre les apparences pour la réalité ultime.

Donc dans les deux cas, la vraie connaissance consiste à se libérer de cette illusion pour accéder à une réalité plus fondamentale, mais il y a une différence importante.

Pour Platon, le monde des Idées est plus réel que le monde sensible, mais les deux existent. Dans la conception hindoue de Maya, seul le Brahman est réellement réel ; le monde que nous percevons n'a pas d'existence indépendante, il est une manifestation illusoire du Brahman. Cette nuance souligne la radicalité de la conception hindoue de la réalité et de la connaissance.

Cette conception est aussi évidemment encore très vivante de nos jours avec les discussions sur la réalité virtuelle, ou bien l'hypothèse du "cerveau dans une cuve" en philosophie analytique, ou même certaines interprétations de la mécanique quantique. Toutes ces approches, bien que très différentes du concept de Maya, partagent l'idée que notre perception ordinaire du monde pourrait ne pas correspondre à la réalité ultime. De là à imaginer que l'on vit dans une simulation ou dans un rêve, il n'y a qu'un pas.


Mais la pensée indienne ne se limite pas à cette approche mystique. L'école Nyaya, par exemple, l'une des six écoles philosophiques hindoues dites « orthodoxes », a développé une logique et une épistémologie sophistiquées qui rappellent à bien des égards la pensée aristotélicienne qu’on a survolé dans notre premier épisode. Les penseurs Nyaya, autour du 1er siècle après J.C., ont identifié quatre sources valides de connaissance, ou "pramanas" :

l'observation (la constatation directe), l'inférence, c'est-à-dire la logique, la comparaison et le témoignage d'une autorité, un tiers de confiance donc.

Cette classification systématique est remarquablement complète et nuancée. Elle intègre à la fois l'expérience sensorielle et le raisonnement abstrait, tout en reconnaissant l'importance de l'apprentissage social et de la tradition. Il y a des parallèles à faire avec les Grecs, mais contrairement à la tendance occidentale à opposer empirisme et rationalisme, que nous avons vue émerger dès l’antiquité, l'approche Nyaya cherche à intégrer ces différentes sources de connaissance dans un système cohérent et holistique.

Cette approche intégrative de la connaissance a eu des implications concrètes dans la société indienne. Par exemple, dans la médecine ayurvédique, on combine l'observation empirique des symptômes, le raisonnement logique sur les causes des maladies, la comparaison avec des cas similaires, et le respect des textes médicaux traditionnels. Cette approche intrégrale contraste avec la tendance à la spécialisation et à la compartimentalisation que l'on observe souvent dans la médecine occidentale moderne.


Passons maintenant au bouddhisme, qui propose une approche radicalement différente. Histoire de nous situer dans le temps, les traditions bouddhistes sont apparues autour du 5e siècle avant J.C., à peu près à la même époque que la naissance de la philosophie en Grèce donc. Pour les bouddhistes, la réalité telle que nous la percevons est fondamentalement illusoire. Tout est impermanent (concept d’anicca ou Anitya, impermance), tout est interconnecté, et tout est dépourvu d'essence propre (anatta ou anatman, concept d’impersonnalité souvent exposé selon la formule « Chaque chose est sans soi. »).

Comme le dit le Dhammapada : "Nous sommes ce que nous pensons. Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées. Avec nos pensées, nous bâtissons notre monde. La vie n'est pas un problème à résoudre mais une réalité à expérimenter. Ce que l'on pense, on le devient." Cette vision du monde a des implications profondes pour la conception bouddhiste de la connaissance.

Si tout est interdépendant et changeant, cela signifie que notre connaissance est toujours contextuelle et provisoire. Il n'y a pas de vérités éternelles et immuables à découvrir, mais plutôt une réalité fluide à expérimenter et à comprendre dans son flux constant. Cette perspective s’oppose donc à l’idée occidentale d'une connaissance objective et définitive.

Le bouddhisme met par ailleurs l'accent sur l'expérience directe plutôt que sur la spéculation théorique. La méditation, par exemple, est considérée comme un moyen de connaissance, permettant une compréhension directe de la nature de la réalité et de l'esprit. Là encore ça contraste avec notre philosophique qui, depuis Platon, a souvent privilégié la raison abstraite sur l'expérience sensorielle. Et d’ailleurs un concept central dans l'épistémologie bouddhiste c’est celui de "prajñā" ou sagesse transcendante. Ce n'est pas une connaissance intellectuelle, mais une compréhension profonde et transformatrice de la réalité, une intuition, une capacité à percevoir le phénomène de coproduction conditionnée, ainsi que l’absence de soi propre et le vide de toute chose. C’est le moyen de mettre fin à la souffrance (dukkha), qui est vue comme le résultat de notre ignorance de la vraie nature de la réalité.

Le bouddhisme reconnaît donc différents niveaux de vérité. La "vérité conventionnelle" correspond à notre compréhension ordinaire du monde, tandis que la "vérité ultime" se réfère à la réalité telle qu'elle est vraiment, au-delà de nos constructions mentales.

Il est intéressant de noter que certaines idées bouddhistes sur la nature de la réalité et de la connaissance trouvent des échos dans la physique moderne. L'idée d'interdépendance, par exemple, résonne avec le concept d'intrication quantique. De même, l'insistance bouddhiste sur l'impermanence et le changement constant rappelle certaines conceptions de la réalité en physique des particules. Personnellement, je trouve ça assez troublant et d'ailleurs on y reviendra en partie dans un prochain épisode. Mais de là à dire que les bouddhistes ont tout compris à la réalité du réel il n’y a qu’un que je ne franchirai pas, mais quand, même c’est beau.

Cette approche bouddhiste de la connaissance nous invite donc elle aussi à remettre en question nos certitudes, à être conscients des limites de notre compréhension, et aussi à rester ouverts à l'expérience directe comme source de sagesse. Par ailleurs, et on peut voir ça comme rafraîchissant, elle offre un contraste assez saisissant avec les traditions épistémologiques qui cherchent des vérités absolues et immuables.


Alors, chaussons maintenant de bonnes chaussures, une corde et un bon piolet, et traversons la chaîne de l'Himalaya vers le nord-est puis le Tibet pour aller explorer la pensée chinoise.

Une des particularités de la Chine, c'est que la question de la connaissance a toujours été étroitement liée à des préoccupations éthiques et sociales. À la même époque que Bouddha en Inde et que les présocratiques en Grèce, au 5e siècle avant JC si vous avez suivi, on trouve en Chine un autre monsieur à barbe qui réfléchit beaucoup. Il s'appelle Confucius et va profondément marquer la pensée et la société chinoise, jusqu'à nos jours.

Pour Confucius et ses disciples, la connaissance n'est pas une fin en soi, mais un moyen de cultiver la vertu et d'harmoniser la société. Comme le disait Confucius lui-même : "Étudier sans réfléchir est vain. Réfléchir sans étudier est dangereux." Cette citation illustre bien l'importance accordée à l'équilibre entre l'apprentissage et la réflexion personnelle dans la pensée confucéenne.

Le concept central de la philosophie confucéenne est le "ren", souvent traduit par "humanité" ou "bienveillance". "Humanité", "bienveillance", un même mot donc. Pourquoi pas me direz-vous, on avec un peu d’imagination.

La vraie connaissance, selon Confucius, est inséparable de la pratique du jen. Ainsi, connaître ne se limite pas à accumuler des informations, mais implique de comprendre comment agir de manière éthique dans chaque situation.

Cette approche de la connaissance a des implications profondes pour l’ensemble de la culture et donc de la société chinoise. Elle suggère que la sagesse ne peut être atteinte que par une combinaison d'étude, de réflexion et de pratique morale. C'est une vision holistique qui contraste la encore avec tendance occidentale à séparer la connaissance théorique de son application pratique.

Le confucianisme a également développé une théorie de la connaissance innée.

Mencius (Meng Zi) un des principaux disciples de Confucius, affirmait que tous les hommes naissent avec une connaissance morale intuitive. L'éducation, dans cette perspective, consiste à cultiver et à développer cette sagesse innée plutôt qu'à inculquer des connaissances entièrement nouvelles. (Cette conception de la puissance de l’innée nous rappelle Platon)


Parallèlement au confucianisme, le taoïsme, autre pilié de la pensée chinoise, propose une approche plus intuitive et mystique de la connaissance. Au cœur de la pensée taoïste se trouve le concept de Dao, souvent traduit par "la Voie". Comme le dit Lao Tseu, le père du taoisme, dans le Tao Te Ching : "Le Tao dont on peut parler n'est pas le Tao éternel."

Pour les taoïstes, la vérité ultime, le Dao, ne peut être saisie par la pensée discursive ou exprimée en mots. La vraie connaissance est une forme de sagesse intuitive qui s'obtient en s'harmonisant avec le flux naturel de l'univers. Là encore on est loin de l’approche analytique qui nous est chère.

Un concept clé du taoïsme est le "wu wei", souvent traduit par "non-agir". Mais le wu-wei ce n’est pas de l’'inaction, c’est un peu plus subtile, c’est plutôt une action en harmonie avec le Dao. Ouais, c’est pas super facile d’accès le Taoisme…

Dans le contexte de la connaissance, le wu wei implique une forme de compréhension qui ne force pas la réalité dans des catégories préconçues, mais qui la laisse se révéler d'elle-même.

Le taoïsme met l'accent sur l'observation de la nature et l'adaptation à ses rythmes. La connaissance, dans cette perspective, n'est pas tant une accumulation d'informations qu'une compréhension profonde des principes qui régissent l'univers.

Cette idée se reflète dans des pratiques comme la médecine traditionnelle chinoise ou les arts martiaux, où la connaissance est intimement liée à une compréhension des flux d'énergie et des cycles naturels.


Une troisième école de pensée importante en Chine ancienne était le légisme, qui adoptait une approche plus pragmatique et autoritaire de la connaissance. Pour les légistes, la connaissance devait avant tout servir à gouverner efficacement. Ils mettaient l'accent sur la compréhension des lois et des techniques de gouvernement plutôt que sur la sagesse morale ou mystique.

Alors, je me répète un peu, mais il faut se rendre compte à quel point toutes ces traditions philosophiques, ont profondément influencé les structures de la civilisation chinoise. Par exemple le système des examens impériaux, basé sur les classiques confucéens, a façonné la structure sociale et politique pendant plus d'un millénaire. Ces examens ont été instaurés sous la dynastie Sui au 6e siècle et maintenu jusqu'en 1905, permettait théoriquement à tout homme, quelle que soit son origine sociale, d'accéder aux plus hautes fonctions de l'État en passant une série d'examens rigoureux basés sur la maîtrise des textes classiques.

Ce système a donc eu un impact profond sur la conception chinoise de la connaissance et de l'éducation. Il a encouragé une forme de méritocratie intellectuelle, où la connaissance des classiques était vue comme la clé du succès social et politique. Mais on s’en doute il a aussi été critiqué pour son conservatisme et sa tendance à favoriser la mémorisation plutôt que la pensée critique.

En Chine, cette intrication entre savoir, éthique et politique reste une caractéristique importante de la pensée chinoise jusqu'à nos jours.


On va se déplacer sur la carte pour aller voir du côté de la tradition islamique dont les racines sont plus récentes puisque pour rappel le prophète Mahomet à l'origine du Coran meurt en 632. On en a brièvement parlé lors du précédent épisode mais c’est le moment de développer.

L'islam c'est une autre connaissance révélée puisque Mahomet a restitué la parole de Dieu, et on est donc un peu obligé de le croire sur parole sans trop poser de question, parce que sinon c'est péché, et c'est d'ailleurs le principe de la foi. On croit sans preuve. Sinon bah, ce n'est plus de la foi.

Mais on ne va pas étudier le Coran, ce n'est pas vraiment le sujet ici notamment parce que l'islam ne s'est pas limitée à cette connaissance révélée, et pour notre sujet, c’est le plus intéressant.

Le monde islamique c'est en fait une sorte d'empire qui s'est développé à partir du 7ème siècle dans la péninsule arabique avant de s'étendre très rapidement à travers le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord et une partie de l'Europe grâce à des conquêtes militaires d'une efficacité étonnante.

Et cet empire, grâce à des structures stables, des routes et des flux d’informations et de marchandises bien en place et une certaine ouverture d’esprit a produit une riche tradition philosophique et scientifique qui en particulier a joué un rôle crucial dans la préservation et le développement de la pensée grecque. Cette période, connue sous le nom d'âge d'or islamique (du 8e au 13e siècles), a vu l'émergence de penseurs qui ont profondément influencé l'histoire de la connaissance.

Un des penseurs les plus influents de cette période est Al-Ghazali, souvent considéré comme l'un des plus grands philosophes musulmans. Il est né à Tus au milieu du 11e siècle, dans l'actuel Iran et il a notamment enseigné à Bagdad, alors centre intellectuel du monde islamique.

Al-Ghazali a développé une approche sceptique de la connaissance qui préfigure de manière frappante le doute méthodique de Descartes, que nous avons évoqué dans notre deuxième épisode. Comme il l'a dit : "Le doute est pour arriver à la certitude."

Dans son autobiographie spirituelle, "Le Délivré de l'erreur", Al-Ghazali raconte comment il a douté de toutes ses connaissances avant de trouver la certitude dans l'expérience mystique. Ce parcours intellectuel rappelle celui de Descartes dont on parlera plus tard, mais là où Descartes trouve la certitude dans la raison pure, Al-Ghazali la trouve dans l'expérience mystique. Cette différence illustre bien la tension entre connaissance rationnelle et connaissance révélée qui caractérise une grande partie de la pensée islamique depuis le début.

Un autre penseur majeur est Ibn Rushd, connu en Occident sous le nom d'Averroès (12e siècle). Il a joué un rôle crucial dans la transmission de la philosophie aristotélicienne à l'Europe médiévale, peut-être aussi parce que vivant en Andalousie, il n'était pas très loin du monde chrétien. Un coup de calèche et hop on fait tamponner le passeport pour passer la frontière espagnole.

Ses commentaires sur Aristote ont profondément influencé la pensée scolastique chrétienne, notamment Thomas d'Aquin, que nous avons évoqué dans notre deuxième épisode. Averroès défendait l'idée que la raison et la révélation ne pouvaient pas se contredire, une position qui a eu un impact majeur sur la pensée occidentale de l’époque.

On peut aussi dire que la tradition islamique a joué un rôle crucial dans le développement de la science moderne. Des savants musulmans ont fait des contributions majeures dans de nombreux domaines. Je vous en donne 4 après une petite recherche sur wikipedia :

Al-Khawarizmi (9e siècle) en mathématiques : Il a introduit le système décimal et l'algèbre, rien que ça (le mot "algèbre" vient d'ailleurs de l'arabe "al-jabr").

Ibn al-Haytham en optique : Souvent considéré comme le père de l'optique moderne, il a développé la méthode expérimentale bien avant la Renaissance européenne.

Avicenne en médecine : Son "Canon de la médecine" est resté une référence en Europe jusqu'au XVIIe siècle.

Al-Biruni en astronomie et géographie : Il a calculé le rayon de la Terre avec une précision remarquable et a développé des méthodes d'observation astronomique avancées.

Puisque rien n’arrive tout à fait par hasard, cette florescence intellectuelle s'est appuyée sur un réseau d'institutions éducatives innovantes. L'une des plus remarquables est l'université Al Quaraouiyine à Fès, au Maroc, fondée en 859 par Fatima al-Fihri, une femme musulmane érudite. Cette université, considérée comme la plus ancienne du monde encore en activité, a joué un rôle crucial dans la transmission du savoir dans le monde musulman et au-delà. Elle illustre non seulement l'importance qui était accordé à l'éducation mais aussi le rôle significatif que les femmes ont pu jouer dans le développement et la diffusion de la connaissance. Les universités islamiques, avec leur système de waqf (dotation), ont servi de modèles pour les premières universités européennes, contribuant ainsi à la circulation des idées entre le monde islamique et l'Occident.

Les travaux de tous ces savants musulmans ont été traduits en latin et ont circulé dans les universités européennes, contribuant grandement à stimuler le renouveau scientifique de la Renaissance.

Par ailleurs, il faut dire un mot sur la méthode puisque la pensée islamique a également développé des approches originales de l’épistémologie. Par exemple, le concept d'"ijtihad" en jurisprudence islamique encourage l'effort d'interprétation personnelle des textes sacrés, ouvrant la voie à une forme de raisonnement critique.

Un autre concept important est celui d'"ijma" ou consensus. L'ijma est considéré comme une source de connaissance valide, particulièrement en matière de loi islamique.

Mais hélas à partir du XIIIe siècle, le monde musulman intellectuel connait un déclin notable, pour des raisons complexes qui font encore débat parmi les historiens, un déclin qui a contribué à creuser l'écart scientifique et technologique entre les pays islamiques et l'Europe à partir de la Renaissance.


Tournons maintenant notre regard vers l'Afrique sub-saharienne, trop souvent négligée dans les histoires de la philosophie. La pensée africaine traditionnelle offre une perspective originale sur la connaissance, mettant l'accent sur son caractère communautaire et relationnel.

Prenons l'exemple de la philosophie Ubuntu, répandue en Afrique australe, particulièrement chez les peuples Nguni et Sotho. L'Ubuntu se résume par la maxime : "Je suis parce que nous sommes". Dans cette perspective, la connaissance n'est pas une affaire individuelle, mais un processus collectif. Comme l'a si bien exprimé Desmond Tutu : "Une personne est une personne à travers d'autres personnes."

Cette approche relationnelle de la connaissance se retrouve dans de nombreuses cultures africaines. Par exemple, chez les Akan du Ghana et de Côte d'Ivoire, le concept de "sankofa" encourage à tirer des enseignements du passé pour avancer vers l'avenir, soulignant l'importance de la connaissance historique dans la compréhension du présent.

Un autre aspect important de l'épistémologie africaine est le rôle de la tradition orale dans la transmission du savoir. Dans de nombreuses cultures africaines, les griots, comme chez les Mandingues en Afrique de l'Ouest, et les anciens sont les gardiens de la connaissance, transmettant l'histoire, la sagesse et les valeurs de génération en génération à travers des récits, des chants et des proverbes.

Cette tradition orale n'est pas simplement une forme de transmission de l'information, mais une méthode sophistiquée de préservation et d'interprétation du savoir. Elle implique une compréhension profonde du contexte, une mémoire prodigieuse et une capacité à adapter le savoir aux circonstances présentes. Cette approche dynamique de la connaissance contraste avec la tendance occidentale à fixer le savoir dans des textes écrits.

En Afrique de l'Est, la tradition Maasai met l'accent sur la connaissance environnementale, transmise oralement et par l'expérience directe. Cette approche a permis aux Maasai de développer une compréhension approfondie de leur écosystème, cruciale pour leur mode de vie pastoral. Ce type de connaissance écologique, longtemps ignoré ou meme méprisé par la science occidentale, est maintenant de plus en plus reconnu comme précieux face aux défis environnementaux même s’il y a encore du boulot.


Enfin, il est difficile de ne pas dire quelques mots sur les civilisations des Amériques.

Les Maya, les Aztèques, les Inca et les diverses nations autochtones d'Amérique du Nord ont développé des systèmes de connaissance sophistiqués, bien que très différents de ceux que nous avons explorés jusqu'à présent.

Pour les Maya, par exemple, la connaissance du temps et de l'espace était intimement liée à leur cosmologie et à leur compréhension de l'ordre divin. Ils ont développé un système complexe basé sur l'observation astronomique. Leur calendrier, d'une précision étonnante, témoigne d'une compréhension approfondie des cycles célestes. Cette fusion entre astronomie, mathématiques et spiritualité illustre là encore une approche holistique de la connaissance, où science et sacré ne sont pas séparés.

Les Aztèques avaient eux une approche de la connaissance fortement liée à leur vision cyclique du temps et de l'histoire. Leur système éducatif transmettait non seulement des connaissances pratiques, mais aussi une vision complexe de l'univers et de la place de l'homme en son sein.

Les Inca, en plus de leurs exploits architecturaux qui supposaient une forme de savoir qui nous est encore un peu mystérieux, ont eux développé des systèmes uniques pour enregistrer et transmettre l'information, comme le quipu, un système de cordes nouées utilisé pour la comptabilité et la narration historique. Une approche tactile de l'enregistrement de l'information qui n’a rien à voir avec les systèmes d'écriture développés dans d'autres parties du monde. Le quipu illustre comment on peut coder des informations de manière non textuelle, ce qui peut nous faire reflechir à notre dépendance aux formes écrites de savoir.

Chez la plupart des peuples autochtones d'Amérique du Nord, la connaissance est souvent vue comme quelque chose de vivant et de dynamique, transmis à travers des récits oraux, des cérémonies et une relation intime avec la terre. Cette vision de la connaissance comme quelque chose d'incarné et de relationnel offre un contraste saisissant avec l'approche plus abstraite et détachée souvent associée à la pensée occidentale.

Ces approches pré-colombiennes de la connaissance présentent plusieurs caractéristiques distinctives. D'abord, elles sont fondées sur une vision intégrée du monde, où la connaissance n'est pas compartimentée. On considère tous les aspects de l'existence comme interconnectés et interdépendants.

Par ailleurs ces traditions mettent un fort accent sur l'observation directe de la nature et des cycles naturels. La connaissance est ainsi ancrée dans une expérience concrète et intime de l'environnement, plutôt que dans des abstractions théoriques.

Un autre aspect crucial est l'importance accordée à la transmission orale et expérientielle du savoir. Les connaissances sont souvent transmises à travers des récits, des rituels et des pratiques, plutôt que par des textes écrits, ce qui permet une adaptation continue du savoir aux contextes changeants.

Enfin, ces traditions se caractérisent par une intégration étroite entre connaissance, spiritualité et pratiques sociales. La quête de connaissance n'est pas séparée de la vie spirituelle ou de l'organisation sociale, mais fait partie intégrante d'une approche intégrée de l'existence.

Il va sans dire que ces systèmes de connaissance ont été gravement perturbés par la colonisation européenne et il n'en reste pas grand-chose même s'ils connaissent aujourd'hui un regain d'intérêt, notamment dans le cadre des discussions sur la durabilité environnementale et les approches alternatives de la science, sujet à la mode.



Voilà, on a à peu près fait le tour et ne m'en voulez pas si je ne mentionne pas tout. Ceci n'est pas une encyclopédie et ça fait déjà en fait beaucoup.

Un des aspects communs à ces nombreuses traditions sur lequel je veux revenir brièvement c’est donc celui de la connaissance révélée ou du sacré. Que ce soit les Vedas dans l'hindouisme, le Coran dans l'Islam, ou les enseignements oraux transmis par les anciens dans de nombreuses cultures africaines et américaines, et évidemment c’est pareil dans l’occident chrétien, dans les communautés juives, etc… ces formes de connaissance jouent un rôle central dans la compréhension du monde des sociétés depuis des lustres

Ces savoirs sacrés ou traités comme tels ont souvent été considérés comme infaillibles et éternels, offrant une certitude que la connaissance empirique ne peut pas toujours fournir. Ils ont servi de fondement à l'organisation sociale, à l'éthique et à la compréhension de la place de l'homme dans l'univers et apporté une continuité.

Cependant, cette approche de la connaissance pose des défis épistémologiques importants et pose de nombreuses questions qui ont titillés les plus curieux au travers des siècles.

Comment concilier la connaissance révélée avec l'observation empirique lorsqu'elles semblent se contredire ?

Comment valider ou vérifier une connaissance considérée comme sacrée ?

De plus, la coexistence de différentes traditions de connaissance révélée, chacune revendiquant une vérité absolue, soulève des questions sur la nature de la vérité elle-même. Comment naviguer entre ces différentes revendications de vérité ? Qui a raison ? Et surtout sur quelle base s’entendre puisque par définition une connaissance révélée est une questions de croyance, de foi, on ne peut pas la vérifier de manière objective.

et je vous passe un extrait du film César de Marcel Pagnol que je trouve amusant et éclairant.


Et ça c’est une chose à laquelle je suis parfois confrontée, en dehors même du cadre spirituel ou religieux, lorsqu’une opinion, un croyance devient un dogme.

Ca donne souvent des phrases comme: “mais enfin pourquoi les autres ne voient-ils pas qu’ils se trompent, que c’est moi qui ait raison !”. ”Mais enfin, c’est pas compliqué la vie, il suffit de suivre la parole ou les recommandations de Jésus !” Ou alors : “ Julien tu devrais parler d’avantage de spiritualité, c’est la clé. Les gens doivent comprendre ce que moi j’ai compris, c’est à dire que la terre est sacrée, qu’elle est vivante… Le jour où tout le monde comprendra ça, c’est bon !” OK, mais ça c’est de la connaissance intuitive, subjective, une expérience d’éveille. Comment on partage ça, comment on fait s’assurer que tout le monde percoive la même chose, qu’une vérité soit commune. puisqu’il n’y a in fine que des expériences subjectives. Ou alors on en fait un dogme, un truc auquel on demande à tout le monde de croire.” Bref, vous comprenez que pour moi, ça ne marche pas pour faire des choix de société. En fait il n’y a me semble-t-il que deux choses que l’on puisse faire pour nous entendre sur les principes, les valeurs, et fine les codes et les structures d’une société : construire des croyances communes, partagées par tous et les mettre à la base de tout. Faire appel à la capacité de raisonnement qui existe chez tous les humains et aux sens.

Dans le premier cas, si je veux que tout le monde croit en mon dieu ou à mon histoire. Soit je m’y prends depuis l’enfance pour que ça devient une réalité pour tous, soit j’impose par la force ma croyance. Et l’histoire est plein d’exemples qui illustrent l’une ou l’autre stratégie.

Dans le second cas, je peux m’appuyer sur des expériences. “Si je lache cette pierre, on observe tous qu’elle tombe”. On est d’accord. OK, c’est un bon début. Et on avance comme ça. Ca n’est pas parfait, mais ça reste pour moi la meilleure solution : développer la pensée critique, un socle commun de connaissances prouvées, fondées, non figées, ouvertes.

Mais je m’égards. Quoi qu’il en soit ce défi de faire cohabiter les connaissances dites révélées reste d'actualité dans notre monde de plus en plus interconnecté et où les religions et les dogmes continuent de servir de guide à des milliards de personnes.

Je voudrais rappeler aussi qu’il est important de noter que ces différentes traditions de connaissance ne se sont pas développées en vase clos. Tout au long de l'histoire, il y a eu des échanges et des influences mutuelles entre ces cultures. La Route de la Soie, par exemple, n'a pas seulement permis l'échange de marchandises, mais aussi d'idées entre l'Asie, le Moyen-Orient et l'Europe.

Ces interactions ont souvent conduit à des synthèses fascinantes. Pensons par exemple à la façon dont la philosophie grecque a été préservée et développée par les savants musulmans avant d'être redécouverte par l'Europe médiévale. Ou encore à l'influence du bouddhisme sur la pensée chinoise, donnant naissance au bouddhisme Chan (ou Zen au Japon).

Alors concluons.

Ce que nous pouvons retenir de ce voyage, c'est que la question de la connaissance est véritablement universelle. Toutes les cultures ont réfléchi à la nature de la connaissance, à ses sources, à ses limites. Mais chacune l'a fait à sa manière, en fonction de son contexte historique, culturel et spirituel.

Nous avons vu que nos propres conceptions de la connaissance sont profondément influencées par notre héritage culturel. Ce qui nous semble évident ou naturel dans notre approche de la connaissance peut apparaître étrange ou limité du point de vue d'une autre tradition. Tout ça nous invite à cultiver une forme d'humilité épistémique, à nous rappeler que notre propre façon de connaître le monde n'est qu'une possibilité parmi d'autres, et qu'il y a toujours plus à apprendre en s'ouvrant à des perspectives différentes. Ca ne veut pas dire que tout se vaut, mais que peut-être on peut s’ouvrir un peu plus tout de même. Comme le disait Montaigne, il faut "frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui" pour vraiment avancer dans la connaissance.

Voilà, on clôt ce chapitre.



Dans notre prochain épisode, on va se recentrer sur l'Europe pour parler de la révolution scientifique qui va à la fois s'appuyer sur cet héritage diversifié et le remettre en question, ouvrant la voie à une nouvelle conception de la connaissance qui va profondément marquer la modernité.

D'ici là, je vous propose quelques questions pour vous amener à réfléchir à votre propre approche de la connaissance.

Comment votre culture et votre éducation ont-elles façonné votre façon de comprendre le monde ? Si vous êtes croyant, vos convictions, votre foi, seraient-elles les mêmes si vous aviez grandi dans une autre tradition ? Et qu'est-ce que ça dit de votre liberté de croire ?

Peut-on savoir qui détient la vérité lorsqu'il n'y a pas de preuve incontestable ? Comment naviguer entre différentes revendications de vérité dans un monde de plus en plus interconnecté ?

Merci de m'avoir écouté, j'espère que tout ça vous amène à vous poser de nouvelles questions et à changer un peu de regard sur notre vaste monde. A très vite pour la suite de notre série.





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