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#70 – Décroissance, un projet de société ? – Timothée Parrique

Mieux comprendre la croissance, ses implications, ses limites, ses alternatives.



À l’heure du défi climatique, écologique et énergétique, doit-on, ou même peut-on continuer à vouloir faire croitre nos économies ?

La question est encore très largement taboue tant la perspective de la fin de la croissance fait peur. Malgré les baisses drastiques des émissions de CO2 qui sont visées, malgré une prise de conscience grandissante de l’impact de nos modes de vie sur la planète, on refuse largement de parler du sujet. La croissance sera verte, durable, soutenable, mais elle sera la, c’est une évidence…


Penser la décroissance c’est émettre l’hypothèse que non, cette croissance n’est pas éternelle, et par ailleurs qu’elle n’est plus souhaitable dans le contexte actuel.


C’est ce que fait Timothée Parrique, docteur en sciences économiques, auteur d’une thèse sur le sujet (The political economy of degrowth, 2019).

Timothée est aussi l’auteur de “Decoupling debunked – Evidence and arguments against green growth”, un rapport sur la croissance verte publié par le European Environmental Bureau (EEB) en 2019. Il enseigne à l’Université d’Uppsala en Suède et à l’Université Autonome de Barcelone, et écrit actuellement un livre pour Flammarion sur le sujet de la décroissance.






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Interview enregistrée le 4 mai 2021


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De quoi parle-t-on ?



01:40 - Parcours de Timothée Parrique. Pourquoi la décroissance ?

• Passion pour l'économie.

• Erasmus en Suède : confrontation personnelle au changement climatique.

• Volonté de remonter aux causes du problème environnemental, de comprendre le processus : spécialisation en économie environnementale et en économie écologique.

• Compréhension du lien entre croissance et destruction environnementale.


04:30 - Comment définir la croissance économique ? Comment mesurer la croissance économique ?

Croissance : Augmentation, accroissement du PIB d'un pays au cours du temps ; variation positive des flux et/ou des stocks de transactions monétaires dans un pays.

PIB (produit intérieur brut) : Indicateur numérique représentant la valeur de tous les biens et services produits dans un pays. La valeur (numérique) du PIB est censé représenter la « vitesse économique » d'un pays. Ne pas confondre PIB et « richesse » d'un pays ; qui est un concept pluriel beaucoup plus complexe et diversifié (richesse sociale, richesse culturelle, richesse économique...).

• ~1953 : première standardisation du calcul du PIB.


08 :30 -Mécanismes de la croissance économique. Rôle de l'énergie et de la dette dans la croissance ? Rôle du travail et de l'innovation ?

Facteurs de production / « Sources de la croissance » : matières premières, travailleurs, travail, machines, connaissances, institutions, droit, monnaie...

Les facteurs de productions sont « bruts », « inertes » en tant que tels et doivent être mobilisées pour créer de la valeur.

Production de valeur : Mise en relation de plusieurs « sources de croissance » ; création d'un circuit de production (de biens, de services) mettant en relation plusieurs sources de croissance.

Pour produire de la plus valeur, on peut augmenter les sources de croissance (augmenter les facteurs de productions) ou augmenter la productivité toutes choses égales par ailleurs (par l'innovation, par des méthodes nouvelles, par la technique...).

Pourquoi les sources sont-elles mobilisées ? Quels sont les moteurs de la croissance ?

Consumérisme : consommation à l'échelle individuelle motivée par les objectifs et désirs individuels.

Productivisme : création, production à l'échelle de l'entreprise motivée par les objectifs de l'entreprises.

Politiques de croissance (growth manship) : échelle étatique.

Les trois moteurs de la croissance sont reliés entre eux tels des rouages d'une machinerie complexe qu'est l'économie d'un pays.


14:10 - Rôle de l'énergie dans la croissance ?

Hypothèse de départ de l'économie écologique :

Il ne peut y avoir d'activité économique sans apport énergétique, sans approvisionnement énergétique (le fonctionnement des machines qui nous entourent nécessite de l'énergie : téléphone, ordinateur, électro-ménager ; électricité ; voiture, camion, avion, transports : pétrole).

Statut épistémique de cette hypothèse : D'un point de vue physique, à l'échelle locale, à l'échelle des objets et machines cette hypothèse est incontestablement vraie : un système (humain) ne peut évoluer sans apport énergétique. A l'échelle macro-économique, certains contestent le lien de causalité entre énergie et activité économique.

Pour autant, cette hypothèse est fondée sur un certain nombre de fortes corrélations empiriques entre croissance et énergie. Voir les travaux de Jean-Marc Jancovici.

Écueil à éviter : Il est important de faire la différence entre le prix de l'énergie (qui souvent est faible) et la nécessité de l'énergie dans le processus de production économique. Ne pas se fier au faible coût de l'énergie pour évaluer l'importance de l'énergie dans l'économie.



18:50 - Rôle de la dette dans la croissance ?

Question théorique d'importance : La dette ou plus précisément l'émission de la monnaie avec des taux d'intérêts positifs entraîne-t-il des impératifs à la croissance (c'est-à-dire force la croissance économique d'un état par plusieurs mécanismes) ?

• De nos jours, selon Timothée Parrique, il est admis que « la dette » est un impératif à la croissance. Par exemple, si je m'endette en achetant un bien, je vais me sentir obligé de travailler pour rembourser cet emprunt : ma dette pèse comme un impératif dans ma conscience qui m'oblige à me mobiliser comme force productrice. On peut utiliser ce même raisonnement pour une entreprise.


22:20 - Idée de progrès. Rapport entre le progrès et la croissance.

Discours politique actuel sur la croissance : d'où vient-il ? Quel sont ses présupposés ?

Résumé en 5 composantes des « promesses de la croissance » :

Créer de l'emploi

Lutter contre la pauvreté

Réduire les inégalités

Alimenter le budget de l'état

Améliorer le bien-être

Histoire du discours sur la croissance :

La croissance, à travers ses promesses, semble (vouloir) s'identifier au progrès (dans le monde des idées).



27:10 - Qu'est-ce qui est critiquable, questionnable dans le discours sur la croissance ? Les promesses de la croissance sont-elles réalistes ?

Retour sur le PIB :

Le PIB ne fait pas la différence entre les activités « désirables » et « non désirables » (par exemple à travers une échelle de valeur écologique) ; ni ne prend en compte la manière dont la richesse économique est produite.

La croissance est un flux, une variation. Le PIB est un stock.

La disponibilité en ressources naturelles n'est pas prise en compte dans la comptabilisation



33:25 - De manière empirique, on a l'impression que la croissance économique est quelque chose de concrètement positif. Comment comprendre l'apparente corrélation entre la croissance et le niveau de vie, le progrès de la population, le développement, la puissance d'une nation.

Idée de seuil (loi des rendements marginaux décroissants) :

Au début, le fort taux de croissance entraîne des bienfaits immédiats. Passé un certain seuil de PIB/hab, la croissance économique n'améliore plus le bien-être, la santé, l'éducation... (selon Timothée Parrique). Métaphore avec le corps humain.


38:50 - Mythe de la croissance éternelle.

Pourquoi personne ne semble remettre en cause l'idée de croissance infinie, éternelle ?

Cause n°1 : statut de l'économie : Ésotérisme, obscurité de l'économie.

Triple critique de l'idée de croissance :

Critique bio-physique (croissance insoutenable écologiquement).

Critique sociologique (croissance insupportable socialement).

Critique finaliste (la croissance entraîne de la précarisation, des emplois aliénants, n'augmente pas le bien-être,...)

Stagnation séculaire. Ralentissement de la croissance d'un état au cours du temps.

Vieillissement de la population. Moins d'innovations.

48:40 - Spécificités du XX-ème siècle.

Découplage croissance/énergie :

Certains prétendent que l'on peut découpler la croissance du PIB avec les pressions environnementales. [Entre 2005 et 2015, en Grande-Bretagne, réduction des GAS de 2,1%/an et augmentation du PIB de 1,1%]. Selon TP, les études ne calculent pas tout (uniquement le carbone) : pas l'exploitation des matières premières, les animaux, l’environnement, ...

Le problème climatique est l'arbre qui cache la forêt.

Le découplage doit rester permanent et pas seulement temporaire.


55:00 - La décroissance : de quoi parle-ton ?

Contraire de la croissance : récession.

Définition de la décroissance :

Réduction planifiée de la production et la consommation dans les pays riches qui permettrait de rétablir l'équilibre entre l'économie et le monde vivant tout en corrigeant les inégalités et en augmentant le bien-être.

Éléments clefs de la décroissance :

Soutenabilité : régime bio-physique ; réduire la taille de l'économie, les flux physiques. Politiques de sobriété.

Justice sociale : redistribution des richesses.

Maximisation du bien-être.

Démocratie. Planification.

• Économie circulaire.


01:00:00 - Réception du mot « décroissance ». Décroissance et récession. Pourquoi parler de « décroissance » ? Qu'est-ce qui est nécessaire dans le projet de la « décroissance ».



01:05:30 - La décroissance est-elle une nécessité ? Pourquoi ce sujet polarise autant ?

Approche «collapsologique».

Décroissance et démocratie.

01:09:00 - A quoi ressemblerait une planification de la décroissance ?

• La croissance demande déjà une planification ! Le changement n'est pas aussi radical que l'on pourrait se le figurer.

Chantiers de la décroissance :

Propriété : redistribution, rôle de l'état, salaire maximum, revenu de base, distribution des profits, gouvernance des entreprises, pré-distribution, droit de l'environnement, communs.

Travail : rapport au temps, durée du temps de travail, qualité du travail, vision du travail.

Monnaie : valeur, investissement, forme de la monnaie (étatique, décentralisée, temps, carbone, locale,...).


01:17:10 - Comment faire ? Le projet de décroissance est-il réaliste ? Acceptable de manière réaliste ?

• Hypothèse de la reine rouge.

• La pandémie a ouvert l'arbre des possibles. Ce qu'on pensait être impossible économiquement l'est devenu grâce à la pandémie (chômage partiel).

• Décroissance sans sortir de l'euro ? Sur certains aspects, oui. La décroissance n'est pas totalement binaire, c'est un continuum ; il y a un mille-feuille de possibilités. Tout dépend du degré de radicalité.

• La décroissance est un progrès avec les lunettes d'une échelle de valeur différente. Tout dépend du prisme axiologique (échelle de valeur) que l'on adopte. Voir à ce sujet Aurélien Barrau.



Livres recommandés par Timothée :


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NB: un grand merci à Lucas Medaglia, membre de la communauté, pour la rédaction de ces notes !



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