Biais cognitifs et autres filtres déformants entre nous et le monde
Albert Moukheiber est docteur en neuroscience et psychologue.
Quand on essaie, comme je le fais dans ce podcast, de comprendre le fonctionnement du monde, il est interessant de poser la question de la méthode. Comment interpréter-t-on le reel ? Avec quels outils ? Et est-ce que ces outils sont fiables ?
Pour faire sens de ce que je viens de dire, vous utilisez vos oreilles, votre audition, et surtout votre cerveau, votre cognition. C’est notre outil principal pour savoir ce qui se passe autour de nous, pour interpreter et faire des choix. Mais il se trouve que notre cerveau est bien moins fiable que ce que l’on croit souvent, il nous joue des tours comme dit Albert. Et en avoir conscience peut nous aider à faire un peu moins d’erreurs de jugement. Dans cet episode nous parlons de mémoire, de biais cognitifs, d’esprit critique et de libre arbitre, d’intuition et de raison et de comment mieux contrôler nos perceptions et les actions qui souvent en découlent.
ITW enregistrée le 22 juin 2022
De quoi parle-t-on ?
02:30 - Comment fait-on sens du monde ?
Nous faisons sans cesse des tris. La plupart du temps par rapport à nos à priori et tout ce que nous sommes. Nous nous racontons des histoires plus ou moins cohérentes par rapport à la vision du monde que l’on a déjà. “on bouche des trous pour créer une sorte de récit à cohérence illusoire… on fait sens d’un monde qui n’en n’a pas (de sens)
“On perçoit la vie d’une manière narrative”
On accepte plein de trous dans nos souvenir et dans nos raisonnements
05:20 - Le rôle de la mémoire ?
Comment construire notre identité si notre mémoire n’est pas fiable ?
La mémoire ne fonctionne pas comme un fichier d'ordinateur. “On est tout le temps en train de réécrire notre passé, basé sur qui on est au présent”. “On se donne des illusions de continuité”.
Comment construire une unité dans notre identité alors que nous oublions beaucoup de choses ?
Stein Klein: "Evidenceless continuity of the self”. Nous acceptons nos souvenirs sans avoir de preuve qu’ils sont vrais.
On s’arrange constamment avec notre mémoire, avec soi-même pour pouvoir vivre au présent.
“nos souvenirs ne sont pas indépendants de celui qui s’en souvient”
Thérapie qui utilise la réécriture des souvenirs pour désamorcer l’émotion dans le présent
Plusieurs types de rationalité: “La rationalité est toujours située, il y a toujours un contexte à prendre en compte”
Rationalité par rapport à une norme extérieure (cognition sociale) : les gens sont souvent irrationnels, ils ne font pas les meilleurs choix
Rationalité par rapport à une cohérence interne : “dans mon propre référentiel, je suis généralement rationnel”
“Quand quelqu’un me donne accès à ses intentions, je comprends pourquoi il agit”
14:30 - Le fonctionnement et la structure du cerveau
Théorie du cerveau Triunique (Dr Paul Mclean) : cerveau reptilien, cerveau mammalien… Ce modèle est désormais abandonné. “On aime bien catégoriser, réduire les choses, mais ce n’est pas comme ça que ça marche”
Système 1, système 2 de Daniel Kahneman : le processus duel du traitement de l’information.
système heuristique plus rapide
système déclaratif
Pas encore de consensus sur ce modèle, tout dépend du cadre théorique dans lequel on se place.
Cognitiviste (pensées juste dans notre cerveau) : il faut développer un contrôle métacognitif pour ralentir le système 1 et activer le déclaratif
Rationalité adaptative ou limitée (de Gerd Gigerenzer) : notre rationalité est relativement adaptée au contexte. Quand il y a un biais, il s’agit d’un décalage par rapport à un contexte donné
Cognition incarnée : théorie qui dit que notre cognition n’est pas juste dans notre cerveau, mais qu’elle est une somme d'interactions entre notre corps et notre environnement. Exemple la dépression n’est pas juste dans le cerveau, elle dépend aussi de l'extérieur ( Ecology of the brain, de Thomas Fuchs)
Sur la conscience : Being you , de Anil Seth
22:00 - Notre cerveau nous joue des tours
La notion de biais est dans le cadre de Kahneman et Tversky
Les biais perceptifs et attentionnels.
Exemple de biais attentionnel : on ne regarde pas les visages humains de la même manière et cela influence notre perception du monde.
Une illusion d’optique est un biais perceptif.
“Il faut que je perçoive le monde pour pouvoir le penser”.
Théorie Sapir- Whorf : la langue qu’on parle conditionne notre rapport au monde.
“Le langage est un découpage de la réalité”.
“On a perçu le monde, on lui a prêté attention, on l’a encodé, et après on réfléchit dessus. Et dans ce cadre théorique , vu que l’on n’a pas beaucoup de temps, pour être efficient, on fait des raccourcis qu’on appelle des heuristiques, c'est -à -dire des solutions approximatives mais qui marchent bien. Nos pensées font pareil : les biais cognitifs sont le prix à payer de ces approximations.”
“Nos biais sont le prix à payer pour aller vite” (NB: il y a aussi des biais dans le système lent (2). Les biais font partie du fonctionnement naturel de notre cerveau)
Les biais ne sont pas forcément négatif, ça dépend du contexte
Raisonnement motivé : négatif pour se faire une opinion politique, mais positif pour pouvoir se lier d’amitié
“Les biais sont là pour stabiliser l'ambiguïté du monde.” Les traits de personnalité sont basés sur nos biais et sur la manière dont on “stabilise” le monde, dont on simplifie les choses d’après nos aprioris.
30:30 - Racisme et biais cognitif ?
Attention, les biais n’expliquent pas tout.
Les biais sont contextuels, ils ne sont pas inhérents à la personne
Le biais de stéréotypage qu’on retrouve dans le racisme a fondamentalement une utilité (exemple des champignons).
Les discriminations viennent d’un processus d’essentialisation, mais tout ne peut pas être expliqué par les biais.
“Le monde est une variable dimensionnelle, une sorte de continuum, comme le spectre de couleur.” Il y a une infinité de couleurs, mais on a divisé pour simplifier et le rendre plus opérationnel, pour pouvoir en parler.
La manière dont je divise le monde conditionne mon rapport aux choses et parfois les catégories sont essentialistes et discriminantes : “tout commence par comment je divise le réel et comment je le catégorise”
34:40 - Le rôle de l’esprit critique
Une sorte de capacité à observer, catégoriser, peser les arguments. Processus intellectuel qui vont m’aider à passer d’une croyance à une action
Peut-on apprendre à être un raisonneur critique ? 4 piliers:
Un bon contrôle métacognitif : pouvoir douter de soi, avoir une réflexivité sur ses pensées. Savoir ralentir, observer ses pensées…
De bonnes compétences argumentatives : connaître ses biais, la rhétorique, les pièges à éviter.
De bonnes attitudes : humilité épistémique, savoir ce que je ne sais pas, être ouvert à changer d’avis, se remettre en question. NB : compliqué à apprendre car ça touche au tempérament
Une bonne compréhension épistémique : maîtriser le sujet dont on parle. “On ne peut pas être un bon raisonneur critique si on ne connaît pas le sujet auquel on est train de réfléchir pour pouvoir appliquer un raisonnement critique sur ce sujet là”
“L’esprit critique est une chose de groupe, pas d’individu. On a besoin de différents experts sur différents sujets qui deviennent les gardes fous des uns des autres. Le raisonnement critique ce n’est pas penser par soi-même, c’est penser avec les autres contre soi-même”
Comment faire confiance ? “On a déplacé le raisonnement critique sur une évaluation de la confiance”
41:30 - La place de l’intuition
L’intuition est une sorte d’heuristique : “une prise de décision pour laquelle je n’ai pas accès aux étapes de raisonnement”
Une intuition peut être bonne si elle est basée sur une somme d'expériences. Il faut savoir quand on peut s’y fier ou non.
“Pompes à intuition dans l’innovation scientifique. Quand on a un bagage suffisant, le processus d’idéation devient très intuitif. Einstein s’est imaginé à cheval sur un rayon de lumière
45:20 - A quel point est-on manipulable ?
Nous sommes très manipulable et c’est pour cela qu’on fait des lois pour éviter les dérives
Distinction entre persuasion et manipulation
“Nous sommes tout le temps dans une guerre de persuasion et dans une compétition sur comment on va expliquer le monde. Il y a compétition sur les récits”
48:00 - Le libre arbitre
Une des questions les plus compliquées, notamment car le protocole expérimental est difficile.
Selon les situations, on a plus ou moins de libre arbitre (cadre théorique de la cognition incarnée).
50:30 - La conscience
“le problème difficile de la conscience” de David Chalmers : que se passe-t-il dans les qualias, les expériences phénoménologiques de vie, l'expérience subjective (un couché de soleil par exemple) ?
Le réductionnisme est une impasse pour ce qui touche à la conscience. La partie subjective du vécu nous échappe. “Il faut que nous acceptions que nous sommes des êtres incarnés. Il faut prendre en compte l’activité cérébrale dans un corps qui est en train de faire quelque chose dans certain un contexte”
L’étude du cerveau est forcément incomplète car limitée au laboratoire. Voir simplement l’activité cérébrale en laboratoire ne suffit pas.
Plusieurs définitions de la conscience qui incluent ou non les autres animaux. Stanislas dehaene. Conscience autonoétique
“Quand un phénomène complexe n’est pas complètement compris ce n’est pas si grave de ne pas avoir une définition précise, ça peut même être un désavantage.”
01:03:00 - Des structures qui empêchent d’y voir clair
Quand on a un problème systémique, on légifère
Le double jeu des réseaux sociaux qui prétendent être seulement des plateformes sans responsabilité sur le contenu diffusé alors que les algorithmes influent sur la perception du contenu. Et les algorithmes sont opaques.
On devrait rendre les algorithmes transparents pour les législateurs
01:10:00 - Cognition et écologie. Le striatum ?
L’idée d’un striatum (notre cerveau dit “primitif” au centre de la thèse du “bug humain” de Sébastien Bohler) tout puissant qui dicte nos comportements est réductionniste, une sorte de “neuromanie”. C’est un argument circulaire.
Cela invisibilise le vrai problème : on demande juste à la partie de l’humanité qui consomme le plus et contribue à l’essentiel du problème écologique d’accepter de vivre comme la majorité.
Les leviers sont systémiques, on a besoin de faire des lois, comme pour la cigarette. Les lois seraient par ailleurs bien acceptées.
“Les gens qui doivent prendre les décisions nécessaires n’ont aucune motivation pour le faire puisque ce sont eux qui ont le plus à perdre”
01:15:30 - La cognition des puissants ?
“La première “cognition” c’est d’être bien né. Les 14 familles les plus riches de Florence sont les mêmes depuis 8 siècles. Les familles les plus riches d'Angleterre sont les mêmes depuis 1450.
“Le mythe de la méritocratie, c’est un biais de sélection”
Il faut créer les structures qui ont des verrous qui font que l’on ne dépend pas des aléas des puissants.
01:21:40 - Espoir et désespoir
“ce qui m’inquiète c’est l’idée très séduisante de croire que si tout le monde était comme moi, le monde irait mieux”
Quand on s’extrait “des gens”. On n’est pas coincé dans un embouteillage, on est coincé dans un embouteillage
Le réchauffement climatique. Act Lab avec Thibaut Griessinger .
01:05:00 - Les livres conseillés par Albert Moukheiber
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Explore the rationality debate with Albert Moukheiber on episode #93. Delve into cognitive biases and decision-making. Need a break? Play Slope Unblocked for a thrilling challenge.
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