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#115 - Agriculture et Climat - SERGE ZAKA

Le défi de l’adaptation agricole : Agroclimatologie, Canicule Marine, Mega feux, Adaptation, et la guerre de l’influence






Serge Zaka est docteur en agroclimatologie, chasseur d’orages et depuis quelques années le cauchemar des climatosceptiques sur les réseaux sociaux. Dans cet épisode, il nous explique ce qu’est l’agroclimatologie, et quels sont les grands enjeux autour de l’agriculture du faire du dérèglement climatique en cours.


Nous parlons de météo, de climat, d’agriculture donc mais aussi de ce qui se joue en ce moment dans les océans, des méga feux et de la bataille qui se déroule sur les réseaux sociaux autour de ces sujets.


ITW enregistrée en 2023


De quoi parle-t-on ?



Transcript


Julien : Bonjour Serge


Serge Zaka Bonjour Julien.


Comment ça va ? Fatigué tu m'as dit ?


Alors, oui fatigué, je me suis couché à 6h du matin en rentrant de chasse à l'orage, donc oui je suis très fatigué. Peut-être que ça se voit d'ailleurs, mais j'essaye de le masquer un peu.


Voilà donc chasseur d'orage, ça fait partie des choses que tu fais, on pourra peut-être en reparler un petit peu parce que tu es photographe entre autres, mais on va en parler,. Je vais faire une petite introduction, j'ai regardé un peu ton profil et il apparaît qu'à 9 ans tu as commencé à noter tous les jours dans un cahier le temps qu'il fait. Donc tu fais partie de ces quelques personnes qui ont trouvé leur passion très très tôt, donc tu es un fou d'observation météo, tu es devenu chasseur d'orage par la suite, tu chasses les éclairs avec ton appareil photo et ce qui t'amènes à faire des grandes distances, parfois cinq heures de route comme hier pour aller chasser un orage. Et je demande toujours à mes invités de m'expliquer comment ils regardent le monde et pourquoi, et donc toi c'est le prisme de la météo depuis presque toujours, est-ce que tu peux m'expliquer ça et quel prisme de vue ça te donne sur le monde et notre époque en particulier.



Alors moi j'ai un profil assez particulier vu que je suis chasseur d'orages et scientifique, c'est-à-dire que je ne me contente pas de regarder uniquement les écrans pour voir le monde à travers les images satellites, à travers les cartes de précipitation, les cartes d'indices hydriques des sols.

Je vais vraiment sur le terrain pour voir le monde à travers mon objectif.

Donc tu me demandais à travers quoi, moi je le vois à travers mon objectif et je considère que l'entrée par la beauté de ce qu'on observe en météorologie, c'est une entrée extrêmement intéressante pour pouvoir ensuite apporter de la science.

Il y a beaucoup de gens sur les réseaux sociaux qui me suivent parce que je fais de belles photos d'orages, mais c'est une entrée en fait, et après, grâce à mes postes scientifiques, je peux leur délivrer des informations scientifiques sur l'évolution de l'agriculture en 2050, sur l'évolution des orages, donc il y a un attrait vraiment artistique sur l'entrée en matière, et derrière c'est plus de la science.


C'est intéressant et on va voir en fait du coup que tu rentres par l'émotionnel, enfin par le côté, tu vas toucher une sensibilité et une compréhension chez les gens et derrière tu vas délivrer beaucoup d'informations aussi puisque tu délivres au quotidien, t'as une grande présence sur les réseaux sociaux, on en reparlera après pour voir aussi ce qui s'y joue. Tu fais ce qu'on appelle l'agrométéorologie, si tu peux me dire de quoi il s'agit et comment tu es arrivé à ça.


Alors il y a deux choses, l'agro-météo et l'agro-climato. Donc l'agro-météorologie c'est vraiment l'impact de la météo sur l'agriculture, donc c'est les jours à venir. Si par exemple je suis un abricotier qui est en fleurs, mes abricots sont en fleurs, je m'inquiète d'un risque de gel, s'il y a un risque de gel qui arrive, quel sera ma paire de rendements et surtout qu'est-ce que je dois mettre en place sur le terrain pour éviter cette paire de rendements. Donc là c'est vraiment de l'action court terme, c'est vraiment des actions agricoles l'agrométérologie.

L'agroclimatologie c'est beaucoup plus politique, sociale on va dire, c'est vraiment de l'évolution, par exemple si je suis encore un abricotier dans le côté de la basse vallée du Rhône.

Je me dis, est-ce que je pourrais continuer à faire des abricots d'ici 2050 ?

Et qu'est-ce que je dois mettre en place pour avoir quand même une rentabilité et un respect de l'environnement qui soit intéressant pour 2050 ? Est-ce que je dois changer d'espèce ? Est-ce que je dois changer de variété ? Donc là c'est vraiment de la projection long terme.

Le but de l'agroclimato c'est de garantir une production agricole en 2050 dans un contexte de changement climatique. Et comment je suis tombé là-dedans ? Alors en fait moi à la base je suis un passionné de météorologie, je suis un chasseur d'orages, depuis que j'ai l'âge de 9 ans comme tu disais tout à l'heure, mais quand j'ai voulu prendre mes options au lycée et après le bac, déjà je détestais les maths, premier point au niveau de la météorologie, c'est pas forcément compatible, et j'adorais la biologie.

Et j'ai réalisé en faisant mes propres recherches d'étudier l'impact du changement climatique sur une autre science, donc ça peut être l'architecture, ça peut être la science humaine, ça peut être la santé, ça peut être les écosystèmes pour l'écologie, et ça peut être l'agriculture pour l'agroclimatologie, je me suis dit je vais regarder où est-ce qu'il y a des manques, où est-ce qu'il y a des manques de connaissances, parce que moi je peux apporter mon background météo-climato dans une nouvelle science, et c'est là où j'ai commencé l'agroclimatologie, j'ai fait un diplôme d'ingénieur et puis ensuite j'ai fait une thèse en agroclimatologie, en soi l'agroclimatologie n'est pas étudiée à l'école, mais c'est surtout mes connaissances, ma passion pour les orages et pour la météo qui a fait que j'avais énormément de connaissances quand je suis rentré en agronomie.


Alors quel est le lien entre climat et météo et pourquoi ?


Il y a souvent une grande confusion entre les deux, enfin en tout cas c'est un des arguments classiques notamment des climato-sceptiques qui est de dire "regardez on a un épisode de froid au mois d'avril comme ça a pu se passer je crois l'an dernier, donc arrêtez de nous parler de changement climatique." Il y a beaucoup de gens qui sincèrement finalement sont un peu perdus entre les deux notions. Alors la météo fait la climato, c'est-à-dire que la météo c'est ce qui se passe aujourd'hui, autour d'aujourd'hui. C'est vraiment les données météorologiques. Une station météorologique par exemple relève les données météorologiques, elle va mesurer les observations et c'est cette série d'observations qui fait la climatologie. En général, on parle de climatologie pour être un puriste de la définition climatique, c'est la moyenne des 30 dernières années. Mais avec une accélération du changement climatique, en général dans ces 30 dernières années, on voit une intensification des événements sur les 5-10 dernières années. Voilà, l'acclimatos, c'est vraiment l'archive de la météo. Donc quand on prend un événement météorologique, c'est par exemple aujourd'hui il y a de l'orage, et qu'on dit, voilà, il y a cet événement météorologique comme le gel que tu as mentionné tout à l'heure, donc ça annule le changement climatique. Non, en réalité il faut regarder le nombre d'occurrences de gel sur les 30 dernières années pour pouvoir affirmer qu'on a une intensification ou une fréquence qui s'accélère pour le gel, ce qui bien sûr n'est pas le cas. Et c'est ce que font les climato-sceptiques régulièrement, ça s'appelle du cherry picking. Le cherry picking, c'est-à-dire le picotage en français, c'est un terme qu'on utilise très peu, mais ça veut dire, je prends juste une petite série de mesures, et j'en tire une conclusion sur toute la série de mesures.

Je prends une série de mesures sur les 7 dernières années dans le globe par exemple, c'est l'argument le plus courant sur internet en ce moment, je prends les 7 dernières années et j'observe que dans ces 7 dernières années, la température augmente pas ou peu, donc il n'y a plus de changement climatique. Mais en réalité quand on augmente jusqu'en 1850, on voit bien qu'on a une belle tendance à l'augmentation. Donc on ne fait pas du cherry picking à prendre les 7 dernières années. C'est la différence un peu entre tendance et événement, ça se situe à ce niveau-là, c'est-à-dire que c'est sur l'échelle de temps et on va jouer aussi avec les moyennes. C'est ça souvent aussi qui est mal compris, c'est cette idée qu'à la fois les moyennes sont révélatrices qu'elles peuvent être aussi trompeuses selon, enfin qu'on peut tout le temps jouer avec les chiffres. C'est ça. En fait, les climatocéptiques aiment bien jouer sur les définitions. Ils profitent par exemple de la différence sécheresse agricole, sécheresse en profondeur, de la différence météo, climato. Ce sont des notions qui sont comprises par les scientifiques, mais pas forcément par le grand public. Et donc, ils jouent de ce flou pour un peu nous diriger vers des arguments qui sont complètement faux, parce qu'ils profitent de la méconnaissance des vraies définitions scientifiques.


En France, on a beaucoup parlé de sécheresse ces dernières années et notamment de cette année de sécheresse hivernale et du fait que les nappes phréatiques étaient dangereusement à sec pendant longtemps. Ça s'est un petit peu amélioré dans une partie de la France parce qu'il y a eu un retour des pluies qui a soulagé pas mal de monde, mais quel a été l'impact sur le monde agricole et où est-ce qu'on en est aujourd'hui ? Même si on ne va pas s'étendre sur l'actualité chaude, mais pour pour illustrer ce qui se joue maintenant de manière récurrente.


Alors, comme la météo et la climatologie, je vais devoir donner des définitions pour bien comprendre ce que je vais dire. Alors il y a différents types de sécheresse.

La sécheresse météorologique, c'est quand il ne pleut pas plus d'un millimètre pendant une certaine durée. La sécheresse, donc celle-là on va l'oublier, je ne vais pas forcément en parler. La sécheresse agronomique, la sécheresse agricole, c'est sur les deux premiers mètres du sol. Là c'est essentiellement pour les écosystèmes, les feux de forêt, l'agriculture.

Et ensuite il y a la sécheresse des nappes phréatiques, donc là c'est beaucoup plus en profondeur. Ça concerne l'irrigation, ça concerne l'eau potable, selon les régions bien sûr.

Donc il y a ces deux types de sécheresse agricole et des nappes phréatiques. C'est pour ça que les climatoscéptiques en profitent pour jouer sur ces définitions comme je l'ai dit tout à l'heure.

Là j'ai donné les vraies définitions. Donc on a des problématiques en fait qui sont différentes suivant spatialement et temporellement parlant. Parce que la sécheresse agricole c'est les deux premiers mètres, les nappes phréatiques, c'est vraiment plus en profondeur, c'est spatialement différencié.

Sur les sécheresses agricoles, elles répondent extrêmement vite aux pluies qui pleuvent dans les jours passés ou qui vont pleuvoir. C'est vraiment la surface, donc il y a de très fortes variations, on peut passer d'un excès à un déficit extrêmement rapidement.

Donc on a eu effectivement une sécheresse agricole qui a débuté cet hiver, puisqu'il n'a pas beaucoup plu cet hiver, mais au début du printemps on a eu un excès d'eau très important, et donc au final la sécheresse agricole a disparu dans le nord de la France, mais elle est revenue extrêmement rapidement avec l'installation d'un anticyclone, donc on a eu vraiment cet effet vague de l'excès d'eau au printemps, et maintenant on a des déficits en précipitation, et donc des déficits aussi dans les sols agricoles.

Et ensuite on a les sécheresses des nappes phréatiques, qui là, ça dure depuis 2022, parce que les nappes phréatiques c'est pas en un orage, c'est pas en une flaque d'eau en surface, en une perturbation en surface, qu'elle se recharge. C'est vraiment l'accumulation de ce qui s'est passé la dernière année, les nappes hréatiques. Et donc au final, il faut regarder sur toute la dernière année, et là on est très largement en déficit, donc les nappes hréatiques en France sont beaucoup plus basses que la norme, 66% à l'heure où je parle, sont encore plus basses que la moyenne pour un jour donné.

Donc les conséquences agricoles, elles sont très différentes selon les régions, on a eu un excès d'eau au printemps, donc on a eu des problématiques pendant les semis de pommes de terre, les semis de tournesol, les semis de maïs. Donc on a eu des décalages de semis puisqu'il y avait trop d'excès d'eau dans les sols agricoles et donc on ne pouvait pas rentrer avec les machines pour semer les semis de printemps.

Par contre, juste après les semis, on n'a plus eu d'eau du tout. Donc maintenant on a des problématiques de retard de développement pour le maïs, le tournesol, la pomme de terre, la betterave, tout ce qu'on a semé au printemps. Donc en fait la grosse problématique cette année ce n'est pas de savoir parce qu'il y a eu de très larges pertes de rendement comme en 2022, c'est juste que ces longues périodes de sécheresse accompagnées de longues périodes de pluie qui alternent comme ça. Ce n'est pas forcément bon pour la production agricole parce qu'un agriculteur, le mauvais temps pour un agriculteur c'est celui qui dure. Donc par exemple si on a trop de soleil ou trop de pluie, c'est du mauvais temps. Même le trop de soleil pour eux c'est du mauvais temps. Donc là on enchaîne les trop de soleil, trop de pluie, trop de soleil et donc ça complexifie on va dire les travaux agricoles.

Et sur les dernières semaines, on a pu observer des pertes de rendement pour les cultures comme le blé notamment, puisqu'en fait on a eu une très forte sécheresse de 40 jours dans le nord de la France, une sécheresse agricole, et c'était pendant la période de remplissage du grain, donc la période la plus sensible à la sécheresse, il faut de l'eau pour faire gonfler le grain. Donc on a quelques pertes de pourcentage suivant les régions, ce n'est pas dramatique comme l'an dernier, il faut le préciser, on a quand même une situation qui est largement meilleure que celle de l'an dernier.


Et comment ça se passe chez nos voisins européens ? On a notamment une sécheresse aggravée en Espagne, dans le sud du Portugal. Ça donne quoi ailleurs ?


Alors c'est pareil en fait, ce qu'on a eu, c'est qu'on a eu une année 2022 et un début d'année 2023 très sec au Portugal et en Espagne. D'ailleurs 80% de la production agricole de céréales a été perdue. C'est énorme au niveau d'un territoire, je pense qu'on est sur du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale en Europe. Dans un pays développé perdre 80% de la production de céréales, c'est extrêmement conséquent. On n'est pas à ces chiffres-là très loin en France, on doit peut-être être à moins 5, peut-être moins 7%, mais alors moins 80%. C'est simplement qu'ils n'ont pas du tout eu d'eau pendant la saison de culture du blé et de l'orge, et donc au final on se retrouve avec des blés d'orge qui n'ont même pas reçu d'eau, et qui n'ont pas poussé. Simplement, là on avait vraiment rien. Et alors il a replu, après. Et certains climato-sceptiques nous disent, « Oh mais les catastrophistes, Serge Zaka, il nous raconte toujours la fin du monde, on va tous mourir de faim. », Mais en réalité, quand une plante est morte, quand un blé est mort, quand un orge est mort, ce qui est le cas de 80% des cultures là-bas, même s'il repleut derrière, il ne va pas repousser, c'est trop tard.

Et donc ce qui s'est passé c'est que la pluie est revenue, mais elle est revenue après les théoriques récoltes, parce que finalement on a rien récolté. Après la mort des plantes. Donc en fait elle n'a pas été utile aux céréales d'hiver.

Par contre pour les céréales de printemps, ce qu'on sème au printemps et qu'on récolte à l'automne, là c'est un petit peu plus bénéfique cette pluie en surface, puisque elle permet de réhydrater les arbres, les prairies, les champs.

Donc là pour les cultures de printemps, on a beaucoup moins cette problématique de sécheresse que les cultures d'hiver, les cultures d'hiver on les sème en automne et on les récolte au printemps et sur toute cette période là il y a eu une sécheresse, c'est là où on a eu les moins 80%. Maintenant on s'en sort un petit peu mieux. Et c'est de même pour le Portugal.


Qu'est-ce que tu dirais de la tendance de fond qu'on observe, puisque ça commence à faire quelques années, que notamment il y a eu une première grosse prise de conscience, une nouvelle prise de conscience en 2018 avec la canicule. Et on voit chaque année que ça se répète, qu'on a un peu les mêmes annonces qui reviennent. Quelle est cette tendance observée alors juste en Europe, pour se rentrer sur l'Europe, et qu'est-ce qui est prévu sur les années à venir donc en termes d'événements ? Est-ce qu'on est encore capable de prévoir ce, qui arrive ? Voilà, et puis après on pourra parler de l'anticipation, de l'adaptation.


Alors, je vais simplifier, parce que sinon on pourrait y passer des heures, surtout avec moi qui suis en gros passionné, je peux parler des heures de ça. On a en gros trois paramètres qui impactent l'agriculture. Bien sûr qu'on a plus, mais je vais me concentrer sur 3. Les problèmes liés aux gels agricoles au mois d'avril. Le premier, ce sont les gels agricoles pendant la floraison au mois d'avril. Le deuxième, c'est l'évolution de la sécheresse agricole qui pose des problèmes de rendement pendant des périodes de sensibilité des cultures. Et le troisième, c'est les périodes de forte chaleur qui déterminent les stress thermiques. Avant, je parlais des stress hydriques, et les stress thermiques, c'est quelque chose de nouveau, qu'on n'a pas forcément vécu en Europe et qui est de plus en plus fréquent. Donc je vais chiffrer tout ça, ça va être assez clair. Pour les périodes de gel sur fleurs. La problématique en fait c'est que vu qu'il fait très doux en hiver maintenant, nos végétaux se développent beaucoup plus vite. Et s'ils se développent beaucoup plus vite, plus ils se développent, plus ils sont sensibles au gel. Donc par exemple pour un abricotier, lorsqu'il est en floraison au mois d'avril, il est sensible à partir de moins 0,5°C. Lorsqu'il a son bourgeon fermé, donc qu'il n'a pas encore fait sa floraison, il peut résister à moins 15, moins 20°C. C'est un effet seuil, dès que le bourgeon est ouvert, l'effet seuil fait qu'il est très sensible au gel.Et donc ce qui s'est passé ces trois dernières années, et même plus si on regarde dans le passé, ces trois dernières années, on a eu des pertes de rendement agricoles dues notamment au gel sur les arbres fruitiers. Alors est-ce que le problème c'est le gel, est-ce que le problème c'est autre chose ? En fait c'est pas le gel le problème. Parce qu'on a observé quelques records de froid, on n'est pas sur des records incroyables de froid au cours du mois d'avril, c'est simplement que vu qu'il fait plus doux, les végétaux débourent, donc ils ouvrent le bourgeon beaucoup plus tôt. Et donc ils sont beaucoup plus sensibles au gel d'avril. Avant on avait du gel d'avril, c'est pas nouveau, il faisait moins 7 à bourgeon fermé, donc il n'y avait aucun problème, maintenant il fait peut-être moins 4, un petit peu plus doux, mais on a des arbres en floraison, donc là on a des pertes de rendement massives.

Et donc si on se fie aux résultats des scientifiques, en France c'est plus 60% d'obtenir un événement de type avril 2021 qui a fait 4 milliards d'euros de dégâts, c'est la plus grosse catastrophe nationale depuis la Seconde Guerre Mondiale, 4 milliards d'euros de dégâts, donc on a plus 60% de change d'octonnire en avril 2021 d'ici 2050 à cause du changement climatique. Donc c'est une très forte hausse de ce risque de gel sur les végétaux.

Le deuxième point, c'est la sécheresse. Je vais la chiffrer aussi, donc plus 60% pour le gel. Pour la sécheresse, on a un dégradé nord-sud. Au niveau de la sécheresse agricole, on observe plus 0% de surface en sécheresse agricole dans le Nord-Pas-de-Calais.

Par contre, on est plus à plus 15, plus 17% du côté du Languedoc-Roussillon.

Donc ça, c'est par an. Entre 1959 et 2021, on a eu plus 17% de surface en sécheresse dans le Roussillon, à peu près plus 5, plus 10% au Midi-Pyrénées, Rônhe Alpes, Paca.Sur l'Auvergne, on va être plus 5%.

C'est vraiment sur le sud de la France, on a une évolution marquée des sécheresses, qui n'est pas forcément dû à la pluie, parce qu'on n'observe pas beaucoup d'évolution des précipitations. Mais c'est vraiment à l'évapotranspiration, vu que la température augmente, les végétaux transpirent plus, Le sol évapore plus, donc on a des pertes en eau.

Et on a également des orages qui sont plus violents, quand il pleut, il pleut de façon plus intense, donc l'eau n'a pas le temps de rentrer dans le sol, il y a plus de ruissellement.

Donc des sécheresses agricoles qui sont driveées par cette hausse des températures.

Et qui peuvent poser des problématiques, notamment au niveau des rendements.

Là, ce n'est pas des rendements catastrophiques qu'on peut avoir, par exemple en 2022, on a quand même eu moins de 54% pour le maïs dans le sud-ouest de la France, c'est la plus grosse baisse qu'on ait eue, mais en général c'est du moins 4 ou 5%, mais c'est très progressif, les rendements n'augmentent plus en France grâce à la génétique et la chimie et la mécanique, maintenant ils commencent à se stabiliser voire diminuer avec l'arrivée progressive de ces sécheresses d'année en année, c'est très progressif les sécheresses.

Les conséquences des stress thermiques sur les cultures. Et le dernier point ce sont les stress thermiques, j'ai parlé des stress hydriques, donc plus 15% pour les stress hydriques, plus 60% pour les gels agricoles, Pour les stress hydriques juste, on pourrait atteindre les plus 40% d'ici 2050.

Pour le stress thermique, là c'est quand on dépasse la température optimale de résistance génétique de l'espèce.

En gros c'est qu'il fait trop chaud pour que la plante pousse, malgré qu'il y ait de l'eau. Certaines plantes, même toutes les plantes ne poussent pas, même s'il y a de l'eau à partir de 35, 40, 45°C. Donc ces stress thermiques on les dépasse de plus en plus régulièrement, et on peut avoir des problématiques notamment au niveau du maïs, A partir de 35°C, par exemple, le maïs, la pollinisation est ralentie, et ce nombre de jours à 35°C est multiplié par à peu près 5 d'ici 2100 dans le sud de la France, donc des stress thermiques qui sont de plus en plus conséquents. Voilà pour les trois paramètres.


Merci. Hors Europe, qu'est-ce qui se passe ? On a des problématiques qui sont j'imagine à la fois similaires et différentes parce qu'on cultive pas la même chose, parce que l'histoire est pas la même, parce que la manière de faire l'agriculture est pas la même, mais on sait aussi que beaucoup de pays finalement sont dépendants de l'agriculture en dehors de leur territoire et qu'il y a des grandes zones de production agricole qui concernent l'ensemble du monde et puis il y a il y a des zones de production locales qui concernent la population locale, mais qui sont parfaitement touchées. Est-ce que tu as regardé un petit peu les grandes problématiques en Afrique, en Asie et ailleurs ?


Alors, moi, je me suis concentré essentiellement sur mes études sur l'Europe, mais on a déjà énormément d'informations à donner sur l'Europe, notamment entre le nord et le sud de l'Europe.

On va parler un petit peu de géopolitique. Là, je fais mon géopoliticien, mais quand on parle d'agroclimatologie en 2050, est obligé de parler de géopolitique. On parle de nourriture in fine, donc ça rejoint beaucoup de choses. Ça rejoint beaucoup de choses, même de prévision de rendement en 2050, ça permet de savoir comment on va redistribuer les cartes géopolitiques mondiales. Et ça c'est extrêmement important, c'est peut-être même le premier point qu'il faut retenir, c'est qu'il faut savoir qu'est ce qu'on va cultiver dans un climat donné en 2050 pour rester prépondérant sur la scène mondiale. Parce que c'est à partir des frigos vides, ce qu'on appelle, qu'on peut créer des famines et et qu'on peut créer aussi des tensions géopolitiques. Et ce qui est intéressant de regarder, notamment pour le blé. Première culture française, et même première consommation européenne avec le pain, ce qu'on observe c'est que le sud de l'Europe va avoir une diminution du rendement du blé. Dans le nord de l'Europe, ce qui est intéressant, et même l'extrême nord de la France, on a une hausse du rendement du blé, parce que le changement climatique c'est pas que des aspects négatifs. Alors nous on a beaucoup d'aspects négatifs parce qu'on est concerné par

la baisse on va dire des précipitations par le sud de la France, mais en réalité dans certains pays comme le Danemark, la Norvège, la Russie et l'Ukraine.

On a une hausse des rendements qui sont attendus, on a une hausse de la température qui favorise le développement des végétaux, on a une hausse des précipitations à l'année sur le nord de l'Europe, on a une hausse du CO2, le CO2 ça favorise la photosynthèse, et donc au final on va redistribuer les cartes géopolitiques, c'est que la production de blé va évoluer vers le nord, On appelle ça la bio-géographie, donc l'ère de répartition des cultures, qui remonte vers le nord. Donc en fait on va livrer notre production du blé à la Russie, et c'est là où ça pose des problématiques. C'est que la Russie en est forcément consciente, et donc elle peut en jouer des maintenant par rapport au marché mondial, par rapport à sa place géopolitique mondiale.

On a le Canada aussi qui pourra avoir un petit peu plus de hausses de rendement sur certaines cultures, mais attention cependant en Russie et au Canada, ils ont un climat continental et ça peut poser des problématiques sur les extrêmes thermiques. Il suffit de 50 degrés pendant 3 jours, toutes les cultures sont perdues. C'est un petit peu ce qu'on a observé en Russie en 2010 ou en 2011, et qui a provoqué les printemps arabes parce que c'est en Russie qu'ils achètent essentiellement leur blé, dans la partie maghrébine.

Voilà pour la géopolitique mondiale, en fait, j'ai parlé du blé et nous on aura des problématiques sur la production du blé, sauf dans l'extrême nord, la Bretagne et la Normandie, on a peut-être des hausses de 0 à 5% qui sont attendues d'ici 2050. Par contre, il faut absolument que dès maintenant, on soit au courant de ce qu'on produira en 2050, c'est ce que je disais il y a quelques minutes, parce qu'on ne va pas livrer notre production agricole à d'autres pays et maintenant importer. Il faut qu'on anticipe dès maintenant par exemple la production de pistache, de cacahuètes, de sorgho, de grenades, de figues, de mille, de millets, de figues de barbarie, d'olives aussi, la courgette, la tomate, le melon, enfin….Tout ça, ce sont des cultures qui remontent par le sud et qu'il faut s'imprégner dès maintenant. On parlait de l'Espagne et du Portugal. L'Espagne et du Portugal sont plutôt en voie de désertification, notamment la partie sud de cette région. Et donc en réalité, c'est notre verger de l'Europe. S'ils sont en désertification, c'est qu'il y a d'autres pays qui vont devoir produire nos fruits et légumes. Et pourquoi pas nous, en fait ? Pourquoi pas développer nos filières agricoles d'olives, de tomates, de courgettes, bien sûr dans le respect de l'environnement et dans le respect de l'eau comme on en a, Pourquoi ne pas y réfléchir dès maintenant, de créer ces nouvelles filières en 2050 pour que dans un contexte de changement climatique, on soit au lieu d'être exportateur de blé, on soit exportateur de tomates, de l'huile d'olive, etc.

Et ça, il faut y réfléchir dès maintenant pour se placer dans notre géopolitique mondiale en 2050. Et malheureusement, nos politiques ayant une vision très court terme, ce n'est pas du tout ce qu'ils font.


Voilà, c'est la question qui vient, est-ce que c'est anticipé chez nous ? Peut peut-être parler aussi de l'Espagne, puisque comme tu le dis, c'est un énorme producteur de fruits et légumes qui est très important pour l'Europe. On voit qu'il commence déjà à manquer d'eau, parce qu'ils ont une agriculture qui est très intensive en eau, qui sous-sert beaucoup, donc qui n'est pas du tout en fait adaptée à leur réalité locale, territoriale, et qui anticipe mal le changement climatique. Est-ce qu'eux l'anticipent en revoyant leur modèle agricole ? Est-ce qu'en France s'est anticipé par, par exemple, je sais pas, les producteurs de vignobles qui vont tout toucher peut-être assez rapidement. Comment est-ce que les agriculteurs en discutent et comment est-ce que les politiques en anticipent ça ? Est-ce qu'il y a un plan ? Est-ce que chacun est laissé à soi-même et de ce que tu vois en fait c'est plutôt inquiétant.


Alors je vais essayer de ne pas m'énerver, parce que dès qu'on parle de politique à ce niveau-là je monte un petit peu le ton. Tu as parlé de plan, de planification, ce n'est pas du tout ce qui est le cas. En fait, que ce soit en Espagne, que ce soit en France, on est sur une politique court-termiste et on est sous une politique du pansement. Quand il y a des pertes de rendement, je mets plusieurs millions sur la table et votez pour moi ensuite. C'est un petit peu ça en fait l'agriculture. On n'a pas de vision 2050, c'est-à-dire qu'on ne se dit pas quels seront les futurs AOC, les futurs IGP, les futures productions géographiques dans chaque région de France que je m'adapte d'ici 2050, et je place d'un coup plusieurs milliards sur la table pour développer les filières agricoles, la formation, le stockage, la transformation, la consommation, tout ça, c'est les filières agricoles, de la terre à l'assiette, ce n'est pas juste en faisant une culture dans un coin qu'un agriculteur va pouvoir se développer, il faut qu'on lui achète, qu'on transforme sa production, qu'on la revend. Et ça c'est 15 ans minimum minimum pour obtenir une filière qui soit un minimum un peu forte. Il faut plusieurs dizaines d'années pour ensuite se placer sur une scène mondiale. Donc en réalité quand les premiers rapports du GIEC sont sortis et qu'on disait qu'il y aurait un réchauffement et un assèchement, on aurait dû dès à présent commencer à travailler nos filières agricoles.

C'est pas en claquant des doigts qu'on arrête le maïs, c'est pas en claquant des doigts qu'on met de la tomate dans le centre de la France, ou de la courgette du côté de Calais, Ce n'est pas en claquant des doigts qu'un Olivier va pousser comme ça d'un coup à Lyon. Il faut plusieurs dizaines d'années et on est déjà en retard.

Tu l'as dit, il y a aussi pour parler de ce qu'il faudrait faire, et puis après on pourra revenir sur ce qui est en train d'être fait. Pour bien comprendre de quoi il s'agit en fait, si je t'écoute, il y a l'histoire de qu'est-ce qu'on cultive ? Et puisque toutes les cultures ne sont pas adaptées, puisque le climat change, il faut se réadapter.

Donc par exemple, les vignobles vont aller vers le nord. Les cultures qui demandent énormément d'eau ne seront plus possibles dans une zone où il n'y en a plus. Mais il y a aussi la question de la gestion de l'eau, de savoir comment on cultive. Est-ce que tu peux dresser un peu le panorama des enjeux pour les agriculteurs, sur les questions qu'il faudra se poser très rapidement.


Alors, j'ai parlé beaucoup de la génétique espèce, c'est-à-dire d'avoir de nouvelles espèces, de nouvelles filières, et en réalité, c'est qu'une seule solution du problème. Et en agriculture, les solutions sont multiples, il n'existe pas une solution miracle, c'est différents types de solutions qui font gagner quelques pourcents.

Première solution, autre que la génétique espèce, la génétique variété, c'est-à-dire qu'il faut développer nouvelles variétés de maïs, de blé, de colza qui soient un petit peu plus résistantes à la sécheresse et aux canicules, parce que pour l'instant on a axé plutôt sur la résistance aux maladies et le rendement. Premier point, donc la génétique variété. Il y a déjà énormément d'efforts qui ont été faits là-dessus, des progrès considérables, c'est peut-être le plus gros pôle de progrès qu'on a eu depuis les années 50. La deuxième étape c'est l'agronomie en elle-même, donc le système agricole.

Donc on a de plus en plus d'agriculteurs qui se tournent vers moins de labours ou pas de labours.

Des cultures intermédiaires qui couvrent le sol pour éviter que le soleil frappe le sol, dessèche le sol, des cultures qui favorisent la fertilité du sol comme les légumineuses, on a un retour sur une complexification de l'agriculture.

Et ça c'est intéressant parce que ça permet de refaire vivre le sol et donc de stocker un petit peu plus d'eau parce qu'un sol qui est vivant il stocke peut-être 5% de plus d'eau qu'un sol qui est moins vivant.

Et 5% d'eau c'est énormément d'efforts pour 5% d'eau mais ça veut dire 7 à 10 jours supplémentaires de disponibilité en eau dans le cas d'une sécheresse, donc c'est très important.

Il y a le numérique aussi qui débarque, ça ça dépend des sensibilités de chacun mais par exemple les images satellites, les modélisations, Combien de millimètres, à quel jour je dois apporter d'eau ? Au lieu d'arroser tous mes champs, est-ce que mes maïs ont besoin réellement d'eau ? À quelle date je dois les irriguer ? Combien d'eau je dois apporter ? Pas plus, ni moins. Donc c'est vraiment du guidage des agriculteurs, on ne prend pas la décision à la place, ils ont bien sûr leur litre à leur litre, mais il y a également le numérique.

Il y a également les paysages qui peuvent être importants, notamment la remise en place de haies pour le stockage du carbone, pour couper le vent dans le cas de sécheresse, aussi pour limiter l'évaporation et la transpiration.

La complexification des rotations agricoles également, ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier sur un même territoire, comme le font les Espagnols par exemple avec des oliviers à perte de vue, mais dès qu'il y a un problème sur l'olivier, il n'y a plus rien sur un territoire.

Donc une complexification agricole nécessaire. Il y a également du matériel, comme par exemple le matériel d'irrigation. Qui peut être aux gouttes à gouttes, Et dans ce matériel-là, il y a aussi les réserves de substitution, ou également les bassines qui sont une seule solution face au problème, mais qui ne sont pas LA solution, je tiens à le préciser avant tout.

Donc en fait, il y a plein de petites solutions en agriculture, j'ai beaucoup parlé de l'évolution espèce, donc d'avoir de nouvelles cultures qui soient plus résistantes, mais il y a toutes ces évolutions que je viens de dire, et en fait c'est la conjonction de tous ces éléments. Qui fait qu'on pourrait s'en sortir avec le changement climatique.

On ne va pas sur une désertification agricole de la France, il faut juste savoir, peut-être dans certaines régions extrêmes sud, les Pyrénées-Orientales ou l'autre, mais on ne va pas sur une famine en France, parce qu'on n'aura plus de production agricole, si et uniquement si on sait anticiper avant 2050.

Si on ne change rien au système agricole, au sol, au labour, aux variétés, aux espèces, aux numériques, à tout ça, si on ne change rien et qu'on se dit la France est la plus forte, elle fera face au changement climatique sans rien changer, c'est là où on aura des problématiques importantes pour 2050.

Sachant qu'on parle aussi des dépendances qu'on a, notamment pour les fruits et légumes, et qu'on voit que le modèle agricole espagnol va dans le mur, donc si c'est pas anticipé de notre côté, a priori on peut avoir des problèmes, est-ce qu'on peut s'étendre un petit peu sur la gestion de l'eau ? Et puisqu'on en a pas mal parlé, ça fait un peu l'actualité avec les bassines, notamment, qui est une réponse qu'on a apportée aujourd'hui à cette problématique de sécheresse estivale, si j'ai bien compris, qui n'est pas forcément la bonne, si j'ai bien compris aussi, enfin en tout cas qui est débattue. Est-ce que tu peux parler de cette problématique de l'eau et de ce qui est fait aujourd'hui, et de ce qu'il faudrait faire.


Alors déjà il faut se replacer dans l'évolution du contexte de l'eau en changement climatique.

On a une diminution des précipitations en été, effectivement un manque d'eau pour les cultures en été, en plus une augmentation de l'évapotranspiration, donc une augmentation à cause de la température, une augmentation de la perte en eau des écosystèmes, donc l'été on va avoir une très forte diminution de l'indice hydrique des sols, donc une augmentation de la sécheresse.

En hiver par contre on n'a pas forcément encore de grosses tendances sur les pluies hivernales, On voit souvent qu'il y a une hausse des précipitations hivernales mais les modèles ne sont pas encore en accord. La moitié des modèles sont plutôt à la hausse, l'autre moitié à la baisse. Donc là il faut nuancer.

Quand on fait la somme sur l'année, on a tendance à avoir une stabilité des précipitations, une diminution de l'hiver et une hausse de l'hiver. Et donc on se dit, on va compenser l'excès d'hiver en la rame dans l'été, tout en ayant ce bémol qu'il n'y aura peut-être pas d'excès d'hiver suivant les différentes régions françaises. Donc c'est basé sur ce principe-là, les réserves de substitution ou les mégabassines, ça dépend un petit peu de notre ordre d'intérêt, de redistribuer l'eau uniformément à l'année, ça c'est le principal point.

Alors effectivement, et là j'appuie, il faudra une meilleure gestion de l'eau et il faudra des réserves de substitution, des réserves collinaires, des mégabassines comme on pourrait dire, il le faudra pour garantir une production agricole suffisante dans l'avenir. C'est nécessaire par rapport au stress hydrique qui est visualisé. Cependant, pour ne pas avoir une maladaptation, parce que si on ne fait qu'une réserve de substitution sans rien d'autre à côté, ça s'appelle une maladaptation. Ça veut dire qu'on a joué qu'un seul paramètre, on a décalé notre problème, on l'a presque masqué, on a perfusé notre système agricole à l'eau, un système agricole qui était peut-être intéressant dans un climat passé, mais qui dans un climat futur n'est pas viable. Donc il est perfusé à l'eau, et si on enlève cette perfusion parce qu'il peut y avoir une problématique dans la réserve de substitution… Par exemple, certains hivers où elle n'est pas remplie, là on est plutôt sur 1 ou 2 hivers sur 10 où on ne peut pas la remplir.

Dans l'avenir, on sera plutôt sur 5 sur 10 où on ne pourra pas la remplir parce que la nappe phréatique ne remontera pas beaucoup. Donc il faut réfléchir en parallèle à d'autres solutions.

Les autres solutions, c'est par exemple faire évoluer mes variétés, faire évoluer mes filières agricoles avec de nouvelles espèces qui consomment moins d'eau, Faire évoluer mon agriculture pour avoir des sols qui sont plus vivants, qui stockent plus d'eau. Faire évoluer vers le numérique aussi, faire des systèmes d'irrigation connectés, qui sont vraiment très efficaces pour que chaque goutte est utilisée au mieux possible. Travailler sur mes fuites d'eau dans mes systèmes agricoles. C'est la même chose pour les villes, je tiens à le préciser, il n'y a pas que l'agriculture. Travailler également sur la complexification de mon agriculture. Je ne mets pas tous les œufs dans le même panier, je ne fais pas que du maïs.

Je fais également d'autres cultures qui diversifient la production agricole du territoire.

En fait, la bassine ou la réserve de substitution ou la réserve collinaire peuvent être intéressantes si elles se placent dans un contexte global d'évolution de l'agriculture.

C'est le seul moment où elles peuvent être intéressantes.

Si c'est uniquement la solution qu'on a trouvée pour faire face au changement climatique, dans 50 ans on sera retourné au même problème parce qu'il faudra une deuxième bassine, parce qu'on n'aura rien fait évoluer en parallèle. Donc c'est pour ça qu'aujourd'hui il y a autant de tensions sur ce sujet-là, pour qu'on comprenne en fait. C'est parce qu'aujourd'hui c'est fait en dépit du bon sens, et donc ça a des répercussions sur autre chose ?

Ou si on reste sur le problème des bassines ? En fait déjà il y a beaucoup de parcs d'incompréhension souvent dans les manifestations, les oppositions qu'on a, parce que souvent on dit oui, non, je suis pour ou contre les bassines. En réalité, en fait, la réalité scientifique, c'est plutôt peut-être, peut-être que sur certaines nappes phréatiques c'est intéressant, sur d'autres ça ne l'est pas. Peut-être qu'il faudra une bassine sur une nappe, mais on ne peut pas en mettre 50. Peut-être qu'il va falloir travailler sur l'évolution du système agricole en parallèle de cette bassine. Peut-être que là, il faudrait plutôt une réserve collinaire, c'est une retenue d'eau, de l'eau qui descend des montagnes, plutôt qu'une bassine. Peut-être qu'en fait, le maïs dans certaines régions ne sera plus du tout adapté parce car il y a aussi les stress thermiques en plus des stress hydriques et qu'on ne pourra plus le cultiver. Donc peut-être qu'il faut penser à planter d'autres cultures, qu'il faut faire évoluer la consommation en parallèle. En fait, en agriculture, on a l'impression que le système est simple et qu'on se dit, oui, non, la solution est simple. En réalité, elle est beaucoup plus complexe et on perd cette complexité sur les plateaux télé, dans les débats, alors qu'en fait, cette complexité, on la retrouve vraiment dans les instances agricoles.Elle y est toujours, mais quand on passe sur BFM ou sur France 2 ou sur TF1. C'est oui, non tout de suite. Moi je suis toujours dans le peut-être, même au niveau des bassines.

Alors je suis plutôt non, c'est juste pour faire perdurer un système tel qu'il est actuellement jusqu'en 2050. Je suis plutôt oui, si c'est qu'on me dit, je réduis ma part de maïs, je le remplace par du sorgho progressivement, ce n'est pas une question de destruction de filière, Mais progressivement le sorgho est plus adapté à un climat futur donc peut-être… Avoir une planification d'arrivée de nouvelles espèces, 5% de sorgho en 2030, 5% de cacahuètes en 2035, je voudrais monter à 15% en 2040, le tout financé par l'État aussi pour créer des filières, je voudrais créer un IGP cacahuètes ou figues de France en 2040 dans tel territoire, et qu'on y arrive tous ensemble, financé par l'État et formé par l'État pour qu'on y arrive ensemble. C'est pas juste je fais ma bassine, je continue à avoir mes mêmes hectares de maïs, avec quelques variétés qui évoluent, mais ma même pratique sur le sol, mes mêmes destinations de ce maïs, au final on tourne en rond.

Il faut pas reproduire le cas des Espagnols, parce que eux les Espagnols c'est vraiment le cas parfait de la mauvaise expérience. Sous Franco ils ont fait énormément de retenues d'eau, de bassines, de canaux. Alors ça a été vachement intéressant pour la production agricole après la seconde guerre mondiale, Parce qu'en fait on a pu augmenter énormément la production agricole parce que le système espagnol est énormément basé sur l'eau. Je crois que c'est 85%, c'est énorme, c'est énorme l'irrigation espagnole. Et donc en parallèle, vu qu'ils avaient cette eau un petit peu illusoire, un excès d'eau illusoire, ils n'ont pas travaillé sur le sol les variétés, le numérique, ils n'avaient pas besoin de ça parce qu'ils avaient de l'eau. Et donc maintenant que le système agricole s'effondre parce que l'eau n'est plus présente, certaines années, remarquent que tout s'effondre quand il n'y a plus d'eau, alors qu'on aurait pu garder une production peut-être modérée si on avait fait comme les français, qu'ils avaient travaillé sur tous les aspects à la fois et que les bassines sont arrivées après. En Espagne, j'avais noté que le secteur agricole concentre à lui seul 80% de la consommation d'eau douce du pays. Ils sont sur un truc ultra, 80-85% se doit être dans ces eaux-là. !

En France, on a quand même une espèce de comité de pilotage ministériel qui est chargé de préparer actuellement le troisième plan national d'adaptation au changement climatique qui devrait sortir fin 2023-2024. Il y a notamment un scénario dont on a un peu parlé dans la presse qui planche sur plus 4 degrés de température sur la métropole pour 2100, ce qui est à priori ce vers quoi on se dirige et encore c'est après, paraît-il, c'est conservateur. Donc c'est un plan, il y en a plein, on aime bien faire des plans et on verra ce qui sera mis en place mais c'est loin. A plus court terme qu'est ce qui peut se passer si on continue sur cette tendance, a priori il n'y a aucune raison que la tendance ne change, sachant que comme tu le présentes, ça n'est pas, il n'y a pas de politique mise en place présentement qui puisse nous dire que voilà ça va changer rapidement dans les dix prochaines années, tout ce que tu évoques va être mis en place. C'est quoi ?


C'est vraiment un effondrement des rendements qui se passe en même temps qu'on a une dépendance sur d'autres types de cultures et que ces dépendances se sont aussi affectées ? Ça veut dire quoi pour la sécurité alimentaire ? Voilà, pour qu'on puisse se projeter un petit peu sur ce qui peut se passer sur cette décennie.


Alors sur cette décennie en tout cas, là je vais être assez rassurant, ce qui n'est pas toujours mon cas, on n'a pas de risque de pénurie majeure en en France d'un produit agricole, c'est-à-dire qu'on n'aura pas une pénurie de baguettes. Pénuries d'aliments non essentiels, pas de famine imminente. On aura peut-être des pénuries de temps en temps d'abricots, de choses qui sont pas centrales dans notre alimentation. Si on a les baguettes, alors tout va bien. Non, mais c'est ce que je veux dire, c'est pas la part calorifique, on va dire, est plus importante pour le blé que pour la... Baguettes et du beurre. Bien sûr, il faut manger des abricots par rapport aux vitamines aussi, je ne dis pas manger que des pâtes et des baguettes et du beurre. Donc on n'aura pas cette problématique-là. Parce qu'en fait, le changement climatique, c'est très progressif. On a certaines mauvaises années, on en a aussi des plus bonnes. Progressivement, le rendement du blé en France commence à diminuer. Celui du maïs est sur un plateau mais va diminuer beaucoup plus rapidement parce que le maïs ne répond pas au CO2 contrairement au blé. On a des cultures qui pourront augmenter comme le colza avec des racines profondes, le tournesol qui a aussi des racines profondes qui pourraient être favorisées. Le poids protéagineux va fortement diminuer. En fait, on a un peu de tout, bien sûr plus de baisses que de hausses. Mais on ne va pas sur une famine dans les dix années à venir, ce n'est pas aussi rapide.

On aura peut-être des pertes de 20, 30, 40% sur certaines cultures, de meilleures années après, mais on aura peut-être certaines années où on sera dépendant d'importation, et certaines années où on pourra produire suffisamment pour notre pays.

Donc voilà, c'est juste ça, c'est une accentuation progressive des stress hydriques, des stress thermiques sur l'agriculture, le tout en ayant du progrès, parce que dans ces dix ans-là, on aura du progrès qui peut un peu compenser les pertes, mais pas totalement.

Donc on ne s'attend pas à une catastrophe, on va dire, de famine en Europe, dans un système mondialisé, c'est pratiquement impossible maintenant. Cependant, ça ne va pas forcément dire qu'on n'aura pas de problématique jusqu'en 2050. Là, on a parlé sur les 10 prochaines années. Pour moi, ces dix prochaines années, c'est pas de se dire si on va avoir une famille. C'est de se dire, comme je dis et je le répète encore, est-ce qu'on va réussir notre transition vers des espèces qui sont plus résistantes et résilientes dans un cadre de changement climatique ? Pour moi c'est crucial ces dix prochaines années.

Est-ce qu'on va réussir à réduire notre part de maïs pour introduire du sorgho, du mil, du millet par exemple ? Est-ce qu'on va réussir à diminuer notre part d'abricots qui subit beaucoup de gel tardif pour introduire progressivement de la pistache et d'autres cultures qui sont de la cacahuète, de la figue, de la nef, il y a plein de choses à faire, la grenade aussi. Est-ce qu'on va réussir vraiment à se dire je sors de mon système conservationniste, en gros je voudrais le même paysage français en 2050, la même production agricole dans chaque région, et je m'adapterai. Non, il faut sortir de ce système-là, pour moi c'est plus crucial de savoir, quelles seront les pertes de rendement.

Parce que si on continue à faire la même chose, les pertes de rendement et les risques de famine que je vous ai dit, ils pourront commencer à devenir une probabilité faible mais quand même présente d'ici 2050. Je veux dire quand on aura du 50° sur du blé en période de remplissage du grain, il n'y aura pas de blé. En gros, pour être clair, il y a un moment où il va falloir qu'on adapte tout ça bien en amont.


Merci. Bon, ça va être complexe.


Ouais.


Donc il faudrait un petit peu anticiper, pour l'instant c'est pas fait. Ca se joue au niveau européen aussi tout ça, parce que l'Europe est très importante dans la politique, il y a la PAC qui est quelque chose d'important dans les politiques des pays en Europe, à quel niveau ça se décide ? Qu'est-ce qui empêche de faire des réformes structurelles ? Est-ce que c'est simplement une volonté politique ou alors il y a d'autres enjeux ?


Alors malheureusement, pour être franc, j'ai l'impression que les problématiques écologiques passent largement devant les problématiques climatiques. Au niveau de l'Europe, on parle beaucoup des pesticides, on parle beaucoup du bio, c'est extrêmement important, je ne dis pas le contraire, mais dans le climat, ça vient en second plan. C'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup d'agro-climatologues dans les instances européennes, d'ailleurs il n'y a pas beaucoup d'agro-climatologues en France, pour se dire attention, n'oubliez pas les futures filières, n'oubliez pas les stress thermiques, n'oubliez pas les stress hydriques. Il n'y a pas que de favoriser les insectes et les oiseaux, il faut le faire en parallèle du climat. Et au niveau européen, on n'a pas du tout de plan général, de se dire, bon voilà, l'Allemagne, le Danemark, la Norvège, vous serez les futurs producteurs de blé, donc on investit chez vous des filières agricoles, des silos, des machineries, des formations pour le blé. Et nous, en France, en parallèle, on va diminuer notre quantité de maïs et faire de la courgette, de la tomate, du poivron, à la place de l'Espagne, et des olives, etc. Et qu'on répartisse le futur verger au niveau de la France et qu'on ait une visibilité long terme de pays amis qui ont des échanges internationaux, notamment par rapport à l'Espagne qui sera en désertification, ce sera nous qui allons les nourrir cette fois-ci, au lieu que ce soit l'inverse. Bon, il n'y a même pas cette politique-là au niveau national déjà.


Et ce qui bloque c'est quoi ça va être ? C'est vraiment qu'on va favoriser le court terme ? Parce que faire ça, ça serait au détriment du court terme, ça serait au détriment de la profitabilité à court terme. On est sur quoi ? Sur des questions de peur, on est sur des questions d'argent, et sur des questions d'élections, voilà, ou sur tout ça en même temps ?


On est un petit peu sur tout ça on va dire.

Quand par exemple on veut créer une filière agricole, il faut à peu près 15 ans pour avoir un début d'embryon de quelque chose. Donc en termes politiques, en temps politique, c'est de la perte de temps. En gros, les actions politiques, les millions que j'investis maintenant, moi si je suis président, j'ai tous les aspects négatifs parce que je développe des millions dans d'autres aspects que ce que le peuple voudrait. Mais c'est le président, le deuxième président, le troisième président après moi qui en aura les effets bénéfiques. Donc l'électorat, il ne va pas être intéressé par ce que je vais proposer. C'est là où le temps agricole est très long par rapport au temps politique. Ensuite, il y a autre chose, c'est que l'agroclimatologie, la science en elle-même, elle est très peu développée, on va dire. L'écologie est très présente, l'agronomie est très présente. Il y a beaucoup de lobbyisme d'ailleurs entre l'écologie, entre l'agronomie, la production, enfin il y a beaucoup de lobbyisme. Par contre, en agroclimatologie, il n'existe à ma connaissance aucun député qui a une connaissance en agroclimatologie, c'est une science assez nouvelle on va dire, et donc qui peine à s'installer dans les décisions. Les décisions, on est encore beaucoup axé sur le bio, le conventionnel, les pesticides, les papessicides, les insectes, les oiseaux, il faut le faire bien sûr. Mais par contre, on parle très récemment du stockage du carbone, du climat, ça vient très récemment dans les instances européennes.


Oui sachant qu'il y a des problèmes de pollution là en Hollande aussi qui sont dramatiques avec un modèle qui doit être complètement là aussi remis à plat pour d'autres... voilà donc ça vient de tous les côtés. On va un peu changer de sujet et parler de ce qui se passe au niveau des feux de forêt. En ce moment il y a quelque chose dont on a un peu parlé mais qui est dramatique, qui joue un peu partout dans le monde mais surtout au Canada avec encore une fois des des méga-feux. Il y a quelques années c'était en Australie, l'année dernière ça a brûlé aussi au Brésil, ça brûle toujours en Afrique, mais là c'est au Canada. Et en France ? Et en France oui, mais alors là on est sur des proportions, je crois qu'on est à 6 millions d'hectares, qui ont quasiment 6 millions d'hectares qui ont brûlé au Canada. Donc c'est, en France c'était combien ? On était sur 60 000 hectares, donc voilà on est sur 100 fois plus. On est sur la taille de la Bretagne, c'est l'équivalent de la superficie de la Bretagne à peu près, qui est partie au Canada. Donc c'est gigantesque, on voit qu'il y a des fumées qui vont jusqu'à New York, on a des images impressionnantes. T'as regardé un petit peu ça, est-ce que tu peux en dire deux mots. Est-ce que c'est un phénomène qui est compréhensible, qui est prévisible, qui va se reproduire ?


En fait, c'est clair, c'est pas moi qui ai fait les études scientifiques, je n'ai fait que les lire, d'ailleurs j'ai observé aussi les données, j'ai analysé. Alors on entre dans une espèce d'ère des méga-feux, parce qu'en fait l'évolution du climat par le sud, dans l'hémisphère nord, qui remonte par le sud, est beaucoup plus rapide que l'adaptation des forêts. Les forêts, elles mettent plusieurs centaines d'années à remonter vers le nord, voire plusieurs milliers d'années. Donc là, le climat remonte rapidement par le sud, et des forêts, par exemple, surtout surtout celles des Vosges, on parle beaucoup des Vosges, même celles du Canada, les forêts boréales, se retrouvent dans des climats qui ne sont pas propices des espèces qui sont dans la forêt. C'est-à-dire que les espèces présentes dans la forêt sortent progressivement d'année en année de leur zone bioclimatique. C'est l'ère de répartition de l'espèce optimale, progressivement on en sort donc les arbres souffrent, meurent, attrapent des maladies, meurent et c'est du bois à brûler. Donc ces arbres en souffrance peuvent avoir des indices très faibles, surtout si c'est du bois mort et avec les évolutions climatiques les forêts sèchent et d'un coup ça brûle. En réalité, la majorité des feux sont dus à l'homme. C'est l'homme qui déclenche les feux pour des raisons parfois économiques, des promoteurs immobiliers, des gens qui veulent construire une route, enfin voilà, parfois c'est un peu glauque comme histoire, ou sinon c'est un barbecue mal maîtrisé et ça peut être aussi l'agriculture. 90% des feux sont d'origine, on va dire, humaine, que ce soit en France ou au Canada. Et ça, les climato-scientifiques, ils aiment bien jouer dessus. Ils disent que ce n'est pas un problème de changement climatique, c'est un problème de l'homme.

Mais il faut que la forêt soit sèche, il faut que les conditions thermohydriques soient propices au développement du feu pour qu'il se développe. Ce n'est pas parce que les hommes allument les feux que les feux vont se propager. En fait, progressivement, on observe de plus en plus de sécheresse et de canicules qui assèchent l'indice hydrique des sols et des arbres, et qui font que les feux déclenchés par l'homme se déplacent beaucoup plus vite. La réception des feux par la forêt est beaucoup plus forte dans un contexte de changement climatique. Donc dans de très nombreux pays du monde, on observe une très forte baisse des surfaces brûlées, qui sont dues à la fragmentation des paysages, qui sont dues à l'évolution bien sûr des techniques d'éteinte de feu, le satellite, les pompiers, les avions, le matériel sur le terrain, la formation des pompiers. Dans la plupart des pays, les feux diminuent. Depuis les années 1850 jusqu'à 1970-1950, on avait beaucoup de feux. Après les années 1970, on a une évolution des technologies jusqu'à les années 2000-2010. Depuis les années 2010, on observe de nouveau une nouvelle hausse. C'est-à-dire que ce qu'on a mis en place comme politique d'éteinte de feux dans les pays, qui peuvent être très efficaces, comme en France, on est d'ailleurs l'un des pays les plus efficaces à ce niveau-là, notamment en région méditerranéenne, n'est plus adapté parce que le contexte climatique n'est plus humain, donc il faut réadapter notre surveillance, notamment améliorer la surveillance dans les régions au nord.

Donc on observe de nouveau une hausse des surfaces brûlées qui sont dues à la fois au climat et aussi à de la politique. Donc effectivement, le changement climatique est à l'origine de la récente augmentation des feux, Et après, tout dépend en fait de l'homme. Il va y avoir une augmentation des risques de feu, ça c'est clair, les indices sont clairs et nets d'ici 2050, d'ici même 2070, certains indices de feu qu'on avait en Méditerranée se situeront en Sologne ou en Bretagne. Donc rendez-vous compte de ce que c'est, et en Méditerranée ce sera encore plus violent comme risque de feu, beaucoup plus tôt, beaucoup plus tard dans la saison et plus intense en été, Et en réalité, on peut réussir à s'en affranchir de cette éruption si on adapte notre politique de surveillance, qu'on l'améliore dans toute la France, on peut réussir à essayer de faire rediminuer cette courbe-là qui repart à la hausse.

Donc c'est un équilibre entre de la politique et du climat, tout dépendra de l'ensemble.

Et puis en plantant de nouvelles espèces, notamment quand une forêt a disparu, on ne replante pas la même.

En aidant la forêt, en l'entretenant, notamment la basse forêt, il faut absolument l'entretenir pour éviter la propagation des feux, tout en essayant d'avoir un équilibre avec la biodiversité, ce sont des questions d'avenir qui sont fondamentales.

On n'est pas encore sortis de l'auberge malheureusement. Ça peut prendre un peu de temps, ça va continuer de brûler, il y a un site très intéressant qui donne en temps réel les endroits où les points chauds, les endroits où ça brûle, ça fait des images de satellites, notamment de la NASA, je crois que l'Europe aussi a ça. On a l'EFIS et la NASA c'est Global Earth je crois, ça utilise des satellites.

Il faut faire attention par contre, ça je tiens à préciser, parce que souvent les climato-sceptiques me disent qu'on ne parle pas de l'Afrique parce que ça brûle de partout, on parle toujours des pays développés. En Afrique, ce sont les points chauds, c'est-à-dire que les brûlis agricoles sont aussi considérés comme des points chauds.

Toute l'Afrique, ils n'ont pas forcément les produits chimiques pour tuer les mauvaises herbes, ils vont brûler le champ pour ensuite mettre la culture et donc ça peut être considéré comme un feu de forêt vu par satellite mais en fait c'est pas un feu de forêt, toute l'Afrique est rouge. Je me suis baladé sur le site juste avant effectivement, on a l'impression que ça brûle de partout et quand on zoom on voit que c'est des tout petites zones où il y a des tout petits feux donc faut regarder au niveau, faut zoomer pour voir si c'est pas pareil.


Parlons un peu des océans. Parce que pas mal de cartes ont circulé ces jours-ci pour illustrer ce qui se passe actuellement, à savoir une hausse des températures record des océans. Pour vulgariser tout ça, on parle même d'incendie sous-marin. Je pense que ce n'est pas vraiment ce qui se passe, mais c'est pour faire l'équivalent par rapport à ce que nous on voit sur Terre. Et l'an dernier, pendant la canicule en France qui a duré 33 jours, la Méditerranée était en surchauffe pendant 70 jours avec des températures supérieures de 5 degrés au moyenne. Et cette année on parle même encore plus de l'Atlantique Nord. Est-ce que tu peux expliquer ce qui se passe, qu'il faut en comprendre, les points de vigilance et parler des conséquences sur à la fois la météo avec les cyclones, peut-être les glaces et la faune et la flore. Alors c'est pas totalement mon domaine, donc si les internautes veulent, n'hésitez pas à me contredire. N'hésitez pas à me contredire, je ne suis pas la science innée quand je sors de mon domaine d'expertise, mais ceci dit oui effectivement je me suis intéressé à ça


N'hésitez pas à contredire sur tous les points d'ailleurs, c'est ça qui enrichir la conversation.


N'hésitez pas à argumenter, il n'y a pas de problème, je suis très ouvert à l'argumentation. Sauf quand vous êtes climato-sceptique, ne venez pas commenter la publication s'il vous plaît. Alors du coup pour les canicules marines, effectivement il faut une température supérieure à 5°C aux normes pendant trois jours d'affilée. C'est ce qu'on a dans l'Atlantique Nord, notamment du côté de l'Ecosse, du côté du Portugal, de l'Espagne, on a vraiment une très forte hausse de la température. Et cette hausse de la température, elle est due à deux choses. Le premier, c'est le contexte de changement climatique, il fait plus chaud forcément, donc l'eau est un peu plus chaude. Et le deuxième, c'est plus important en fait actuellement, c'est qu'on a un placement des anticyclones et des dépressions qui est modifié. On a plus l'anticyclone des Açores, il est plutôt situé sur le nord de l'Europe, d'où le fait que le nord de l'Europe n'a pas de pluie en ce moment. Les vents sont pas du tout orientés de la même façon et donc l'eau réagit en s'échauffant. Mais là, on parle même plus d'un petit record. On est mais tellement loin dans la climatologie du nord de l'Atlantique. Au début, on s'est demandé s'il n'y avait pas une erreur de capteur. Donc on a vérifié les OU et plusieurs satellites qui donnent tous la même information. Là, on s'est tellement éloigné de la climatologie, je ne savais même pas que c'était possible d'avoir une anomalie statistique pareille. C'est un peu comme si vous me disiez qu'il fait 40°C au Groenland. En anomalie statistique, là, on est tellement loin, on est sur du 90°C.


C'est ce qui arrive d'ailleurs en ce moment aussi.


Oui, non, pas au Groenland, c'est en Sibérie, c'est pas le même climat, c'est continental en Sibérie.


Pardon, tu as bien fait de préciser.


C'est un petit peu plus tempéré, on va dire, au gouvernement. Donc il y a cet aspect-là statistique qui est assez incroyable. Et en fait, en réalité, ce qui est fou, c'est que les gens me demandent mais qu'est-ce qui va se passer ? Ou ils demandent à d'autres scientifiques, mais qu'est-ce qui va se passer ? Et il y a un espèce de silence un peu assourdissant, mais j'en suis aussi, j'en fais partie. C'est qu'on est tellement sortis de la gamme d'acceptabilité statistique et de ce qu'on connaît, qu'on y va vraiment à tâtons, qu'est-ce qui va se passer. Donc on sait très bien qu'il va y avoir des effets sur les tempêtes tropicales, les cyclones qui pourraient être plus intenses avec plus de pluie, une intensification plus rapide parce qu'il y a de l'énergie. On sait très bien que ça peut avoir des impacts sur la faune et la flore marine, puisque les poissons ont une gamme extrêmement restreinte de température de l'eau, parce qu'elle ne varie pas beaucoup la température de l'eau sur l'année par rapport à la température de l'air. Donc une gamme de résistances génétiques plus faibles, et quand on en sort complètement statistiquement parlant comme ça, les poissons s'étouffent presque, parce que la quantité d'oxygène dans l'eau n'est pas la même suivant la température, et donc c'est comme s'ils ne respiraient plus, ou ils ne se développent plus, ou la reproduction est altérée, où les lieux de reproduction sont atterrés, les lieux de reproduction et de...

La chaîne alimentaire est altérée aussi, ça peut avoir des conséquences très importantes, mais la problématique c'est qu'on n'a pas beaucoup d'observateurs sur le terrain pour le constater, c'est ça qui fait un peu peur, c'est qu'on peut avoir des conséquences très importantes et en fait. Par rapport à la Terre, on a moins d'informations. Et autre chose, c'est que ça ne va pas forcément aider à tempérer la température de l'air, parce que la température de l'eau, c'est beaucoup beaucoup d'énergie pour gagner 1°C, c'est beaucoup plus que l'air. Et cette énergie-là c'est beaucoup de temps pour la perdre aussi.

Donc en fait, quand on a des remontées caniculaires qui traversent la Méditerranée, si la Méditerranée ne rafraîchit pas l'air en chemin, toute la bouffée caniculaire nous arrive sans être rafraîchie, de même pour l'Atlantique, le vent atlantique est là pour nous rafraîchir, s'il fait 25° à Brest, dans l'eau, ça ne va pas nous rafraîchir. Donc il y a ces trois points-là sur lesquels on peut dire oui, Par contre, il y a des effets collatéraux qu'on ne peut pas encore mesurer parce qu'on est tellement loin de ce qu'on connaît. Il y a des points de bascule qu'on a atteint, oui.

C'est pas modélisable. Oui, mais c'est assez fou de voir tous les scientifiques qui marchent tous sur des oeufs là.

Ils avancent juste quelques arguments, mais ils se disent à la fin, je ne suis pas totalement sûr. Ne reprenez pas ça dans les médias, ce n'est pas l'explication la plus fiable qu'il y a dans le monde. En fait, c'est souvent un an, deux ans après l'événement, par les publications scientifiques, qu'on confirme ou qu'on infirme certains impacts. Pour l'instant on peut vraiment faire des hypothèses, c'est que des hypothèses, c'est pas des confirmations à ce niveau-là.


Après ce qu'on sait aussi, et que tu mentionnais en off avant l'interview, c'est que les espèces marines sont beaucoup plus sensibles à la variation de température que les espèces terrestres.


Oui. En fait, les espèces terrestres, génétiquement parlant, elles sont adaptées parce qu'entre le jour et la nuit, Déjà, il y a une forte variation de température. Entre les saisons, il y a une forte variation de température. Dans l'eau, on ne passe pas de 7°C le matin à 28°C l'après-midi. Dans l'eau, on passe de 17°C le matin à 19°C l'après-midi. Donc, génétiquement parlant, les espèces qui vivent dans l'eau sont adaptées à de faibles variations de température, et quand on sort, leur gamme de vie est beaucoup plus faible qu'une plante, qu'une coccinelle, qu'un insecte ou qu'un oiseau. Et quand on sort légèrement de cette zone de résistance, très rapidement on a des conséquences majeures.

On voit bien les coraux par exemple. Les coraux, on sort de 2-3 degrés au-dessus de leur résistance, ils blanchissent. Alors que chez nous, un oiseau, on sort de 2-3 degrés au-dessus de sa résistance, il souffre, mais il peut s'adapter pendant un ou deux jours, bien sûr, pas plus, mais il ne va pas mourir tout de suite. La gamme est beaucoup plus vaste dans le milieu, le règne animal et végétal, animal terrestre on va dire, insecte aussi, que le règne de l'eau, on va dire, la gamme est plus limitée du fait de variations qui sont saisonnières et interjournalières qui sont beaucoup plus faibles. Donc on peut supposer, même si on n'a pas suffisamment de recul et pas de données comme tu disais qu'il faut être prudent, que ce qui est en train de se passer actuellement est potentiellement dramatique pour un grand nombre d'espèces et d'individus. On a vu sur les coraux, là même les prédictions, c'est plus de coraux dans le monde d'ici la fin de la décennie, si on continue sur sa trajectoire.


Donc on a du mal à, déjà on n'en parle pas beaucoup, mais on a du mal à appréhender ce qui se passe dans les océans parce qu'on connaît un petit peu moins bien, parce que c'est pas dans notre environnement, mais en fait c'est peut-être encore plus là que ça se joue, non ?


C'est ça. Tout ce qui est évolution du climat et de la météo. Tout est un équilibre dans le climat grâce en partie à l'océan. Et en fait la problématique c'est qu'on n'a pas d'image choc de l'océan. L'image de l'océan c'est le Titanic qui coule, en ce moment d'ailleurs on a des problèmes identiques avec le Titanic parce qu'il y a un sous-marin qui a disparu. Ça fait l'actualité tout ça. Par contre on n'a pas des poissons qui sont en train de s'étouffer et de mourir. On n'a pas des coraux qui blanchissent. Il n'y a pas BFM TV et TF1 qui sont partout en direct dans le fond sous-marin, on ne voit pas ce qui se passe, on n'en parle pas en fait. Par contre, quand il y a un feu de forêt, quand il y a des problématiques d'écologie ou une pollution sur le pétrole sur les plages… On le respire. Tout le monde y va, on le voit parce que c'est notre milieu naturel, c'est notre milieu de vie. Et la problématique des océans, c'est que médiatiquement parlant, ce n'est pas qu'ils le passent sous le tapis, mais c'est qu'il n'y a pas des images chocs dans une société, on veut des images chocs pour attirer le regard.


C'est naturellement moins sensible, oui.


Voilà. En plus, c'est loin de nous, ce n'est pas notre milieu de vie. On parle de continents de plastique dans l'océan. On ne voit pas souvent ça à la télévision. Par contre, si tu as un continent de plastique en région parisienne, je peux te dire que tout le monde sera autour de la décharge en disant « mais c'est quoi ce scandale écologique ? ». On a des choses en mille fois pire dans l'océan et on n'a pas d'image, on n'en parle pas. Parce que c'est pas notre milieu de vie, c'est pas les images choc qu'on a l'habitude d'avoir, et c'est loin de nous.

Et on a tendance à mettre les choses sous le tapis quand on les a pas sous les yeux. On ne croit que ce qu'on voit, et généralement, malheureusement, c'est le cas.


Est-ce qu'on peut dire quelques mots sur El Nino ?


El Nino, alors là, c'est encore moins mon domaine. Tout ce que je sais, c'est que dans les années El Nino, on n'a pas forcément d'impact agronomique au niveau européen. Il n'y a pas de grosse tendance pour me rapprocher de l'agriculture. C'est plutôt ailleurs. C'est plutôt autour du Pacifique, c'est surtout des sécheresses, des inondations. Et d'ailleurs, dans les températures moyennes et les rendements espagnols, australiens, ça n'a rien à voir. Et même sud-américaines, on voit bien les variations dans les rendements. Chez nous, c'est très très très linéaire par rapport à El Nino


On va parler d'un sujet un peu différent, on va parler des réseaux sociaux. Donc tu es très actif sur les réseaux sociaux pour alerter sur ces sujets, ou tout simplement pour en parler. Est-ce que tu peux me parler de ton expérience d'influenceur ? On en est où du climato-scepticisme en France ? Pourquoi ça résiste autant selon toi ? Quel est ton quotidien là-dessus et comment tu le vis ?


Grosse, grosse question. Alors, je ne me considère pas comme influenceur, malgré que c'est un terme qu'on aime bien me donner. Pour moi, le terme influenceur, ce sont des personnes qui influent d'autres personnes pour l'achat de produits. Moi, je ne propose rien à la vente, même des chapeaux, je ne propose pas à la vente. Et je n'influence personne, je propose des données scientifiques, j'analyse ces données-là. Et après on peut faire son propre avis. En général, l'avis est assez orienté puisque les résultats sont tout à fait logiques et imparables. Donc quand il y a un réchauffement, il y a un réchauffement. Je ne suis pas en train de parler de « je vous laisse vous faire une idée sur l'échauffement ». Il y en a effectivement un, ça se voit sur le graphique. Et oui, mon quotidien sur les réseaux sociaux, Pour vous donner quelques chiffres, c'est à peu près 3h à 5h par jour de travail, c'est un travail de fond qui est extrêmement important pour moi parce que étant donné que je suis conférencier et que je fais pas mal de médias, ça me donne une visibilité sur les réseaux sociaux, donc ça fait partie aussi de mon métier, c'est pas juste du bonus en plus que je fais le soir, ça fait partie de mon métier et surtout ça me permet de me renseigner sur les problématiques mondiales, sur des informations que j'ai, des pourcentages de pertes de rendement, des témoignages d'agriculteurs, des témoignages de climatologues, C'est central dans mon métier, et c'est central pour être visible et communiquer. Parce que vous allez me dire, ouais le mec il va être absolument visible avec son chapeau, bon le chapeau je l'avais déjà depuis 10 ans, mais il va être présent, il fait du buzz sur les réseaux sociaux. Bah en fait il n'y a rien de plus agréable quand on a un million de vues et qu'on a touché plein de monde. Mon but c'est de toucher les personnes, c'est pas de faire 300 vues. Mon but c'est de toucher les personnes pour sensibiliser les personnes au changement climatique. Je ne suis pas là en train de dire que je veux toucher des personnes pour vendre des produits de beauté ou du parfum. Je suis là pour vraiment faire réfléchir. Donc, plus je touche du monde, plus j'ai envie de continuer à faire ce métier de conférencier, de médiateur scientifique. Je dirais plutôt médiateur scientifique qu'influenceur. Parce que c'est motivant de toucher du monde. On se dit qu'on est utile, que notre travail est utile. Donc oui, j'essaye de toucher du monde, mais pour moi, je considère que c'est pour la bonne cause. Il y a des publicitaires par exemple dans les métros qui essayent de toucher du monde avec des super panneaux et des grandes publicités qui nous font rire ou qui nous donnent envie d'acheter quelque chose, mais là c'est pas pour la bonne cause.Moi j'ai envie de toucher du monde pour la bonne cause et ça marche plutôt bien, notamment grâce à Twitter. Sans Twitter, sans LinkedIn je ne suis pas grand chose en fait. Pour dire franchement, je serais un scientifique dans mon petit bureau avec mes photos et mes livres derrière là, mes personnes n'auraient les informations que je souhaite diffuser et vulgariser au grand public pour que tout le monde soit conscient de ce qui se passe. Donc voilà. Et donc oui forcément quand on a un chapeau qu'on touche beaucoup de monde et qu'on passe beaucoup dans les médias, ben...


J'ai l'impression qu'on t'a souvent parlé de ton chapeau.


Oui. Et ben en fait on commence à avoir les climato-sceptiques qui arrivent. Parce que les climato-sceptiques, ils ont peur de quoi ? Ils ont peur qu'on détruise leur discours. Et moi c'est ce que je fais. Je détruis leur discours à longueur de journée, et je détruis leur poste à longueur de journée, par des faits scientifiques, des chiffres qui sont extrêmement clairs, nets et précis, alors qu'eux, ils ont rien à me donner en parallèle à part « je pense que j'ai une idéologie sur ça, et puis voilà, je défends tel truc ». Non, moi je défends rien du tout, enfin à part la planète, mais je suis là pour rapporter des chiffres. Et donc ils m'attaquent beaucoup, puisque quand on se retrouve dans les médias, c'est un danger pour leur système, on va dire, de désinformation de masse. Et donc moi j'aime bien mettre les deux pieds dans le plat. J'ai tendance à dire, c'est pas grave, vous n'avez qu'à m'insulter, parce que moi je me suis fait insulter toute ma jeunesse avec mon chapeau, ça me passe au-dessus du chapeau.


Donc ça fait longtemps qu'il est sur ta tête ce chapeau.


Très longtemps.


T'as vu les choses évoluer comment dernièrement ? Il y a plusieurs personnes qui sont présentes sur les réseaux sociaux qui m'ont dit que, depuis quelques mois, vous voyez que le discours changeait, qu'il y avait de plus en plus de gens qui venaient les attaquer, qu'il y avait une recrudescence, justement, du climato-sceptisme. Est-ce que c'est quelque chose que tu as observé, toi ?


C'est ça, tout à fait. Alors moi, je vais être clair et net, je ne vais pas mâcher mes mots. Quand on a eu la peur du Covid, les gens se sont sentis exister, les sceptiques du je ne sais quoi, du vaccin, la maladie a été inventée par l'homme, je ne sais pas quoi. En gros, tout le monde était professionnel du Covid. Ils se sont sentis exister, ils sont devenus sur la scène médiatique, ils ont gagné des followers. Donc ils ont eu cette espèce d'adrénaline de la reconnaissance de gens qui te regardent. Et après, quand il n'y avait plus le Covid, ils se sont dit « bon, je vais essayer de retrouver quand même cette sensation, je vais me tourner vers le climat. J'ai plein de climato-sceptiques qui viennent en fait des antivax. Je ne vois pas le lien. Moi, je ne parle pas du climat, je ne parle pas de la guerre en Russie, je ne suis pas un expert de tout, pas comme eux. Et donc ils se reconvertissent, donc on a de plus en plus de climato sceptiques.


Le lien ça va être le même rhétorique, enfin le même discours, qui est que les médias mainstream nous mentent, les scientifiques nous mentent sur tous les sujets, donc comme c'est un sujet qui est porté par la science…


C'est un peu ça, mais c'est les mêmes arguments, enfin on peut pas appeler ça des arguments, c'est les mêmes tournures de phrases, les mêmes remises en question, en fait on remet tout en question sans argument. Et c'est ça qui est très dérangeant, c'est quand t'as des personnes qui travaillent comme moi sur le changement climatique, quant à des personnes qui travaillent sur le Covid, sur la guerre. Quand on arrive sur un plateau ou sur Twitter avec des milliers de partages et qu'on dit « moi je pense que ça », il y a un moment il faudrait peut-être prouver le moi. « Je veux bien que tu penses, si tu arrives à penser ceci dit, il faut que tu me le prouves, que tu argumentes. » Et là on pourra discuter. Mais j'ai jamais eu d'argumentaire convaincant. C'est toujours des captures d'écran de blog, des trucs sans source, des graphiques sur Paint. Il y a un moment, il faut peut-être arrêter. Donc oui, effectivement j'ai une recrudescence des événements climato-sceptiques sur les réseaux sociaux, surtout depuis l'été dernier, depuis les trois canicules, plus les preuves sont convaincantes, plus les climatostéptiques sont moins convaincants en fait. Et donc plus ils doivent inventer des choses pour rester sur la surface et qu'on continue à les suivre.


Quelle est ta stratégie ? Comment tu le vis ? Quelle est ta stratégie par rapport à ça ?


Alors moi je le vis plutôt bien, même s'ils vont peut-être être déçus s'ils m'écoutent. Comme je te disais, j'ai toujours été différent dans ma jeunesse, j'ai l'habitude d'être différent. Et quand on m'insulte sur les réseaux sociaux, ça ne me fait strictement rien. Mais vraiment, rien du tout. Ça me fait rire. J'ai même un petit calepin avec les meilleures phrases qu'on a faites sur moi. C'est presque marrant, je pense que je fais une quête aux plus débiles. Mais c'est presque drôle, ça fait même partie de ma vie. Il y a même certains jours où je ne reçois pas d'insultes, parce que j'en reçois une dizaine, une centaine par jour, parce que c'est beaucoup. Quand je ne reçois pas d'insultes, mais je me sens seul. Mais merci de me faire vivre les climato-sceptiques, en fait, vous égayez ma journée et je m'ennuie en fait quand j'en serai. Donc, ma première, c'est prendre du recul. En réalité, je prends beaucoup de recul et surtout, vu que j'ai beaucoup lu, j'ai beaucoup analysé les données, je n'ai rien à me reprocher. Je ne me remets pas en question, sauf si on me prouve le contraire. Ça m'est déjà arrivé avec certains climatologues où je n'avais pas totalement dit les choses clairement parce que je n'avais pas lu tous les articles scientifiques. Je me suis rattrapé, mais sur les climatostéptiques ça me passe complètement au-dessus du chapeau. Et ma réaction c'est soit de les bloquer, parce qu'il y a un moment j'aimerais bien que les commentaires les plus intéressants remontent des agriculteurs, des témoignages, pas d'avoir qu'est-ce qu'il est con avec son chapeau, ou qu'est-ce qu'il nous raconte encore comme catastrophiste, on va tous mourir de faim, c'est la fin du monde avec des petits gifs, ou le petit clown là, qu'ils mettent souvent. À un moment je les bloque parce que ça épure un petit peu ma timeline quoi. Et autre point, c'est quand même sur les trucs les plus simples et plus ridicules… J'aime bien commenter, mettre un peu d'humour, parce que ça me fait plaisir, mais continuez à commenter mes posts, les climato-scientifiques, parce que ça me fait plaisir de leur mettre des ratios. En gros, ils ont trois likes, il y en a mille pour le mien, en gros tu t'es ridiculisé. Ça, ça me fait ma journée aussi, donc il ne faut pas non plus que je les bloque tous, parce que sinon j'aurais plus cette petite satisfaction de les contredire par des arguments simples ou des articles scientifiques.


Qu'est-ce qui te donne espoir et au contraire te fait un peu peur là sur les dix ans prochaines ?


Alors moi ce qui me donne espoir au niveau agricole, je parle au niveau agricole parce que c'est mon domaine, je parle pas du nucléaire, des batteries des voitures ou de la viande si quand même c'est au niveau agricole, pas sur la consommation mais sur la production.

Moi ce qui me donne espoir c'est qu'on a quand même pas mal de marges d'adaptation encore en agriculture.Donc on a des cartes à mettre en place sur le terrain, comme j'ai dit tout au début. Alors ce qui m'inquiète, c'est que ces cartes sur le terrain ne sont pas du tout exploitées par nos politiques. On a des solutions, on n'a pas l'argent pour les mettre en place. Et moi ce qui m'inquiète c'est pas les agriculteurs en eux-mêmes, ils sont parfaitement conscients du changement climatique. Ce qui m'inquiète c'est les politiques qui concernent l'agriculture derrière qui sont complètement à côté de la plaque, et qui ne mettent pas du tout en avant notre puissance agricole en 2050. Donc si jamais on a une nouvelle élection, on votait pour moi, comme ça je serais ministre de l'Agriculture. Et moi je vous dis, je pourrais changer. En 2050, vous direz, heureusement que Serge Aka il est passé parce que notre France est première productrice de cacahuètes. Donc on peut faire de l'exportation. Enfin je dis ça en rigolant, mais en fait c'est…


Tu vas faire de la politique ? C'est dans tes projets ?


Peut-être dans mes projets, mais plus tard. Pour l'instant je fais plutôt de l'éducation aux enfants parce que j'ai des enfants et des orages. On verra plus tard dans l'évolution de vie, mais pour l'instant je dis ça en rigolant parce que les politiques qu'on a à part un ou deux dans les 50 dernières années n'ont presque jamais mis les pieds dans les champs. Si on veut être ministre de l'agriculture, il faut un minimum être ministre de l'agriculture, de l'agriculture. Je tiens à préciser, il ne faut pas être juste un mec qui sort d'une école de gestion ou de politique. Non, il faut connaître l'agriculture, c'est un milieu très complexe, on n'est pas du tout dans une administration et pour connaître la politique, l'agriculture il faut un minimum avoir fait des études ou être en contact avec des agriculteurs. C'est pas juste un un placement dans une évolution de carrière là, je te mets ministre de l'agriculture.


Est-ce que tu as un conseil un peu pratique, un peu concret pour celles et ceux qui nous écoutent, qu'ils soient en lien avec tout ça ? Qu'est-ce qu'on fait de tout ça en tant qu'individu ?


Alors en tant qu'individu, déjà il faut suivre les scientifiques sur les réseaux sociaux, du Christophe Cassou, du Valéry Masson Delmotte, du Bonpote, ou peut-être moi si vous intéressez à l'agriculture. Déjà, premier point, une personne renseignée est une personne qui agit mieux.Pour moi, mon premier point, c'est de se renseigner sur des sources fiables, parce que de là, on peut avoir des actions concrètes sur notre assiette, sur nos voitures, sur notre consommation. Après, notre traduction de cette information scientifique en impact du quotidien, là, ça relève du personnel. S'il faut passer à la voiture électrique, s'il faut manger beaucoup moins de viande, même si ça va être forcément nécessaire, s'il faut mettre plus de légumineuses dans notre assiette, donc du pois chiche, des lentilles, tout ça, Si il faut manger moins de plats préparés, beaucoup plus à apprendre à cuisiner. Tout ça, les actions après qu'on a, ça dépend des sensibilités de chacun. Je ne veux pas dire devenez vegan, je ne veux pas dire mangez plus de viande, je ne veux pas dire achetez une voiture électrique, qu'est-ce que vous faites ? Non, ça dépend des sensibilités de chacun, du portefeuille de chacun. Mais mon premier point, le conseil que je donne aux personnes, c'est de se renseigner. Donc déjà, lire le rapport du GIEC, mais pas le rapport en lui-même, résumer du rapport, le rapport il fait 4000 pages, même moi je n'arrive pas à m'y retrouver. Donc c'est de se renseigner, vraiment. Une personne avertie est une personne qui agira mieux. Si par exemple il faut réduire les plastiques dans notre quotidien, mieux vaut. Comprendre pourquoi on les réduit que de l'appliquer bêtement. S'il faut réduire nos trajets en voiture, mieux vaut comprendre pourquoi on le réduit que de le réduire bêtement en fait, sans se dire on m'impose à le faire alors je le fais, je le fais bêtement. Faire son bilan carbone et orienter ses actions en conséquence. Renseignez-vous et vous verrez quels sont vos chiffres. Et le dernier point aussi, au lieu de se renseigner aussi, en plus de se renseigner, pardon, c'est faites votre bilan de carbone sur le site de l'ADEME. Vous verrez, vous serez un petit peu étonné de la part de la viande, vous serez peut-être étonné de votre part de la voiture. En fait, vous aurez conscience des principaux aspects de votre vie que vous devez améliorer pour réduire votre bilan carbone. Et à partir de ce moment-là, vous pouvez orienter votre réflexion et tout ce que vos apprentissages, votre lecture versent. Si par exemple 50% de vos gaz à effet de serre c'est de la viande, allez lire des articles scientifiques, pourquoi c'est la viande, et comprenez pourquoi il faut diminuer. Si 70% c'est la voiture, peut-être il y a une réflexion sur le transport en commun, la voiture électrique, ou d'autres aspects, le covoiturage, allez un petit peu plus loin. C'est vraiment commencer par ce bilan carbone et puis ensuite le transférer vers des connaissances pour comprendre ce qu'il faut faire ?


La question la plus dure et la dernière, est-ce que tu as deux livres que tu pourrais recommander de lire à côté de l'école ? Pas forcément en lien avec ces sujets-là, deux livres qui t'ont marqué particulièrement !


Là, ça va être clair et ça va être très étonnant, moi je suis libanais donc je ne suis pas natif français, donc je n'ai jamais lu un seul livre de romans de policiers de je ne sais pas quoi. Donc, je n'ai aucun livre qui ne sont pas scientifiques à vous proposer. Alors, j'ai très difficilement lu Honoré de Balzac ou je ne sais pas qui là, les trucs français que j'étais obligé de lire au collège pour avoir une dissertation derrière. Je les ai lus, voire même trouvé des résumés en me débrouillant. Donc, je n'ai vraiment aucun livre en tant que tel des livres, ce qu'on appelle des livres romans. Par contre, en termes scientifiques, je suis un gros lecteur, j'ai lu 99 fois plus d'articles scientifiques et là, c'est très difficile à proposer au grand public parce que c'est en anglais, c'est pas forcément compréhensible. Il y a juste quelques livres qui peuvent être, enfin quelques PDFs au final parce que c'est pas des livres, c'est des résultats scientifiques, notamment le livre vert du projet Climator, C'est un résultat d'un consortium de chercheurs, à l'inra, le livre vert du projet Climator qui est téléchargeable sur l'ADEME, qui traite en fait des impacts du changement climatique culture par culture, région par région, stress par stress.


Merci beaucoup pour ton temps Serge, merci.


Merci à toi Julien, et puis s'il faut refaire un podcast, n'hésites pas. On se revoit à la prochaine catastrophe.


C'est rassurant. C'est sympa quand même. Allez, à bientôt.



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