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#82 - Former pour transformer - CÉCILE RENOUARD

Repenser l’éducation pour promouvoir une transition écologique, économique et humaniste.


Cécile Renouard est économiste, docteure en philosophie et religieuse. Elle enseigne à la Facultés jésuites de Paris, à l'école des Mines, à Sciences Po et à l’ESSEC et il y a peu elle a co-fondé près de Paris le Campus de la Transition qu’elle préside désormais.


J’ai voulu parler avec Cécile car depuis des années elle travaille sur cette fameuse question de transition qui revient régulièrement quand on parle des enjeux de notre époque. Pour faire face à l’urgence écologique notamment, il faudrait changer de modèle, tout remettre à plat.

Mais comment faire concrètement ?

Pour Cécile cela passe d’abord par l’éducation qui est le vecteur permettant de changer de regard et d’expérimenter de nouvelles manière de faire et d’être.

ITW enregistrée le 6 janvier 2022



De quoi parle-t-on ?


02:00 - Qui est Cécile Renouard

  • Créatrice et Présidente du campus de la transition : https://campus-transition.org/

  • Son parcours est pluridisciplinaire : école de commerce, théologie, congrégation religieuse, éducation, philosophie, thèse en philosophie politique (lien avec économie, la gestion, les enjeux de développement, sciences sociales, sciences du vivant)


05:00 - Quelle vision de notre époque ?

  • 2 images : Danser au bord de l'abîme et le syndrome de la grenouille.

  • des innovations considérables parallèlement à l’augmentation de la population

  • des tensions croissantes sur les ressources

  • un défi écologique colossal

  • des inégalités croissantes aux extrêmes

  • des difficultés culturelles à faire face aux grandes tensions de nos sociétés qui sont accrues par le libéralisme:

    • défense de l'émancipation individuelle (droits de l’hommes) vs. des modèles économiques insoutenables et générateurs d’injustices

    • indépendance (individu) vs. interdépendance (collectif)

    • développement humain pour tous vs. développement par la croissance économique (référence à Locke).

    • idéal de l’harmonie (gagnant-gagnant) vs. violence des rapports de forces


12:00 - Qu’appelle-t-on « transition » ?


Définition de transition:

  • des sciences du vivant: le passage d’un régime d’équilibre dynamique à un autre équilibre dynamique

  • socio-économique: le passage de sociétés marquées par des trajectoires insoutenables à un état de sociétés caractérisé par la soutenabilité et l’équité. ( la sobriété heureuse de Pierre Rabhi en ajoutant la solidarité à l’échelle internationale). Elle inclus :

  • écologie

  • évolution de nos modèles économiques

  • réduction des inégalités

  • transformations culturelles (représentations de ce qu’est la vie bonne)


Transformations à opérer (3 types)

  • nos modes de vies (logement, énergie, mobilité, alimentation, loisirs). Loi climat et résilience, convention citoyenne pour le climat.

  • structurelles et institutionnelles (les règles du jeu pour créer et partager de la valeur, gouvernance, …)

  • transition intérieur (dimensions culturelle et spirituelle, quête de sens) qui permet de nous représenter un horizon désirable.


18:30 - Les freins à la transition et comment les lever ?

  • freins : problématiques mondiales, culture actuelle opposée à la transition dominante

  • 2 livres auxquels Cécile a collaboré : Les 20 propositions pour réformer le capitalisme et L’entreprise au défi du climat

  • Leviers et blocages en faveur d’une intégration forte dans le monde de l’entreprise

    • technologique, financiers (dans une moindre mesure)

    • politiques, éthiques et spirituels (les plus importants)

    • incapacité à penser hors du cadre (formatage à la théorie néo-classique):

      • nos modèles ont permis d'améliorer nos conditions d'existence

      • minimisation des “externalités négatives”

      • invisibilisation des personnes précaires


  • Il faut travailler sur la capacité à cultiver un esprit critique et auto-critique

  • Cornelius Castoriadis : En assimilant la pensée libérale au capitalisme, on risque de ne pas faire droit à ce qu'ont apporté les penseurs des Lumières (capacité à s'autocritiquer, capacité à aller à la racine des problèmes, imagination morale).

  • Nouvelle définition possible d’une entreprise : projet collectif financé par le profit et qui n’est pas contradictoire avec les limites planétaires (seuils sociaux et plafond environnemental : performance énergétique, économie circulaire, partage plus équitable)


29:00 - Peut-on changer le système ?

  • Erik Olin Wright:: 3 manières d’envisager les transformations : rupture, réforme et travail au interstices

  • Posture radicale et non marginale du campus : dimension d'expérimentation localement qui est aux interstices, permet d’explorer la réforme et la rupture.

    • posture de rupture : changer de mode de vie, travailler au niveau local

    • posture réformiste : considérer les enjeux internationaux, réformer les lois (ex: la profitabilité est sous conditions des lignes rouges sociales et environnementales) → ex: Économie Sociale et Solidaire

  • La rupture ne suffit pas, on a besoin de réformes profondes. Problème : le discours des acteurs est très en deçà de ce qu’il faut, notamment en matière de sobriété :

    • Exemple : "pour respecter les scénarios de neutralité carbone 2050, Il faudrait que la France utilise 20-30% de la production mondiale de cuivre annuelle" (rapport de l’ADEME, rapport de RTE). NB: après vérification il y a une confusion. Il faudrait 20% de la consommation actuelle de cuivre en France simplement pour les batteries (pour la mobilité électrique), ce qui n'est pas totalement absurde

    • Ces scénarios nécessitent des logiques de décroissance


38:30 - Pourquoi aucune action à la hauteur des enjeux n’est mise en place ?

  • Déni, incompétence, cynisme, égoïsme

  • Difficulté collective et individuellement à faire face

  • L'éco-anxiété illustre le sentiment d’impuissance

  • Les initiatives comme le campus de la transition peuvent aider à ne pas rester seul et se mettre dans la question avec d’autres

  • ce qui manque : conscience collective des ordres de grandeurs. (exemple des “écolos bobos” qui prennent l’avion pour aller se détendre)


45:00 - La vision des jeunes ?

  • règles du jeu, nouveaux récits, inclusion, quels critères d’orientation individuels.

  • que répondre à la question: est-ce que vous y croyez?

    • “Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ou de réussir pour persévérer” (Guillaume d’Orange)

    • Ce qui compte se sont les chemins à prendre.

    • Se dire qu’on ne va pas y arriver est auto-réalisateur.

  • référence au Schumacher College qui a inspiré la création du campus

  • Les 3 horizons de Bill Sharpe

    • H1 : les contraintes actuelles, le monde dans lequel on est

    • H3 : le monde que l’on a envie de voir advenir ou dont on n’a pas envie (catastrophisme éclairé de Jean Pierre Dupuis)

    • H2 : les trajectoires qui nous font passer de H1 à H3

      • H2 - : Greenwashing

      • H2 + : Analyse des trajectoires, des moyens et ressources pour y parvenir. Engage une vision éducative à mettre en œuvre pour enclencher les dynamiques collectives.


52:00 - Les enjeux sur l’éducation ? Le campus de la transition comme modèle ?

  • Une petite institution agile favorise l’expérimentation de modèles éducatifs davantage à la hauteur des enjeux. Liberté d’innover.

  • association, intégrée dans son territoire: dynamique communautaire, projets de recherche-action sur la biodiversité, alimentation, mobilité, empreinte carbone, des low-tech liés aux préoccupations de transformation de territoires.

  • Appui sur des travaux du GIEC, d’universités, de cabinets de conseil.

  • Pédagogie tête (rationalité technico-scientifique,..), corps , coeur (se reconnecter aux autres, à soi et à la nature)

  • Approche systémique et interdisciplinaire

  • Le Manuel de la grande Transition est un socle commun de compétences et de connaissances pour la transition. Il ouvre 6 portes:

    • OIKOS (le diagnostic)

    • ETHOS (les outils de discernement éthiques)

    • NOMOS (les instruments de gouvernance)

    • LOGOS (les mots que l’on utilise, les récits)

    • PRAXIS (les pratiques)

    • DYNAMIS (reconnection, eco-psychologie, eco-spiritualité)

  • les petits manuels de la transition :

  • d’autres manuels par discipline sont prévus prochainement


01:02:00 - Réformer l’éducation supérieure dans un contexte déjà tendu.


01:08:30 - Le rôle de la spiritualité ?

  • la religion est structurante (D. Meadows)

  • toutes les traditions religieuses et spirituelles ont à voir avec les questions éthique, de justice, du type de société que nous souhaitons construire

  • le campus est une institution non confessionnelle ouverte à la dimension spirituelle

  • puiser dans ses ressources intérieures

  • puissance d’inspiration

  • besoin de rites et de symboles qui nous relient

  • exemple du mot du matin au campus : démarrer une vie ensemble et sur un autre registre que faire quelque chose.

  • aide pour opérer un certain nombres de détachements en nous reliant à plus grand que nous

  • travail sur soi, individuel et collectif, pour lutter contre les injustices

  • cultiver des vertus comme patience, hospitalité, solidarité, sobriété


01:15:30 - Quoi apprendre à faire ou être ?

  • être avec d’autres et porteurs d’un même questionnement

  • lire le manuel de la grande transition

  • identifier sa une porte d’entrée privilégiée (pratique, diagnostic, indignation éthique, se créer narratif, …)

  • décloisonner et passer par les autres portes

  • se laisser inspirer par ceux qui ont une autre façon de fonctionner


01:19:00 - Des livres à lire absolument


Un grand merci à Julien Delfosse pour la rédaction de ces notes !



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