Le blogueur écolo le plus influent de France parle de comment convaincre de l’urgence climatique ?
Thomas Wagner, alias Bon Pote, est un certainement à ce jour le blogueur le plus influent de France pour tout ce qui touche au sujet du climat.
Très présent et très suivi sur les réseaux sociaux il parvient à toucher des dizaines de milliers de personnes en mélangeant articles de fond, infographies simples et phrases chocs, dans un but unique: mobiliser les citoyens sur ce qui est considéré officiellement (par les gouvernements du monde entier) comme l’enjeu du siècle.
Cela m’intéressait évidemment de voir comment Thomas résume un sujet sur lequel il a passé des centaines d’heure à lire et écrire, mais aussi et surtout de parler avec lui de comment convaincre, de comment défendre une cause, et des leviers à activer pour qu’elle avance alors qu’il y a urgence.
ITW enregistrée le 21 janvier 2022
De quoi parle-t-on ?
01:30 - Qui est Thomas Wagner ?
« Je suis un branleur parisien » (‘capable d’animer une conférence sur le trading haute fréquence, incapable de faire la différence entre deux arbres‘.)
Ecrire sur le climat avec un ton sarcastique et humoristique
Refus de parvenir (Corinne Morel Darleux) : pouvoir réussir sans écraser les autres
06:00 - Quel est l’objectif ?
Arrêter le changement climatique (Intellectuellement prenant, jamais d’ennui)
Que Nabilla devienne écolo (la moitié du chemin sera faite !)
07:30 - Le déclic
Evolution progressive
Recherche de sens (un bon boulot sans utilité sociale)
Allouer son temps à la question du mur climatique
09:30 - La méthode de travail et la carte mentale de Thomas
Métaphore de l’humanité dans une voiture sur l’autoroute : ou on sort sur une petite route de campagne, ou reste et on appuie sur l’accélérateur. Le but est qu’on lâche l’accélérateur et qu’on regarde ou on peut sortir de l’autoroute.
Éviter le JAITOUTCOMPRISME
Partenariat avec le CNRS (les sujets en collaboration avec Bon Pote sur le site de l’INSU-CNRS)
14:00 - Les causes profondes du réchauffement planétaire
Le problème à la racine c’est la consommation des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole)
Solutions :
Réduire cette consommation le plus rapidement possible
Changement radical de société (rapport du GIEC)
Exemple de mensonge probable : Patrick Pouyanné annonce qu’on produira du pétrole neutre en carbone en 2050
16:00 - Quels sont les principaux verrous ?
Tout est une question de pouvoir (lire Power ou (ré)écouter l’épisode avec Richard Heinberg)
Discours ambiant des politiques et des entreprises : si on s’adapte les premiers, on va se faire bouffer (exemple de la dépendance de la France et de l’Allemagne au gaz russe)
Le changement climatique est avant tout une question politique et morale. La politique c’est du pouvoir.
On peut continuer à chercher à bien comprendre les problèmes mais tant qu’on ne précise pas que la décision est politique, on ne peut pas avancer.
19:00 - Neutralité carbone, découplage et décroissance
On n’en parle pas parce qu’on parle de Zemmour et de Blanquer à Ibiza
3 groupes de travail au GIEC (physique, adaptation et solution d’atténuation)
Si on arrête les émissions, on stoppe le réchauffement
Le changement climatique est déjà là. C’est une urgence (50°C au Canada, 49°C en Argentine, pertes agricoles)
Neutralité carbone : notion avancée par les entreprises et les états à l’horizon 2030, 2040 ou 2050. Sans plan précis pour réduire les émissions, c’est du Greenwashing. 100% des annonces des États et des entreprises sont du Greenwashing.
Total sera neutre en Carbone en Europe en 2050 par compensation (Captage et stockage de CO2, ou en anglais DACS = Direct Air carbon Capture and Storage, + plantation d’arbres).
Les retours d’expérience montrent pourtant que les forêts plantées pour compensation on des limites (méga feux croissants avec le réchauffement)
25:00 - Croissance et décroissance
Bruno Lemaire, Jean Castex et Emmanuel Macron croient en la croissance, la « croissance verte » et « l’écologie de production »
Découplage croissance-émissions ?
Définition de décroissance (Jason Hickel) : « La décroissance est une réduction planifiée de l’utilisation de l’énergie et des ressources visant à rétablir l’équilibre entre l’économie et le monde du vivant, de manière à réduire les inégalités et à améliorer le bien-être de l’homme »
La décroissance n’est pas le contraire de la croissance
Ceux qui ont le pouvoir n’ont aucun intérêt à amener le sujet sur la table. Une société plus juste qui rentre dans la décroissance leur ferait perdre du pouvoir.
(Ré)écouter l’épisode avec Thimotée Parrique sur la décroissance.
Episode avec Pascal Canfin : “Si je lâche le mot décroissance dans une session parlementaire, on ne m’écoute plus »
31:00 - Le blocage politique
Mécompréhension du terme décroissance (article de Bon Pote : décroissance et préjugés)
Le terme et l’idée n’est pas mûr
Le débat est biaisé vu le nombre de personnes qui disent n’importe quoi (Denis Olivennes : la décroissance c’est abandonner les Pays du Sud)
La Décroissance fait peur à une majorité des Français
Problème d’information (Convention citoyenne : quand on explique, les propositions sont ambitieuses)
Problème de dépolitisation
33:30 - Le politique et le colibri
Le changement climatique est une question politique et morale.
L’économie est politique, les règles du jeu sont politiques
L’éventail des possibles : entre Anti-CTI (Civilisation Techno-Industrielle) et Éco-modernistes (article de Bon Pote sur Elon Musk), la décroissance paraît le modèle de société le plus intéressant à pousser.
Il faut vivre dans une économie écologique
Il n’y a pas à opposer les gestes individuels et collectifs. On a besoin des deux. On a besoin de tout le monde. Les gestes individuels ne sont pas inutiles.
On n’ouvre pas la fenêtre en hiver en mettant le chauffage à fond parce que c’est moral (même si c’est légal)
Comportement égoïste vs impact planétaire
39:00 - Se projeter dans une société soutenable (contraintes vs. liberté)
Il faut dire la vérité sur les contraintes (réduire la voiture, l’avion).
Privation de liberté sur le court terme pour éviter des canicules de 20 jours dans le futur.
Les gens qui évoquent l’écologie punitive ne se rendent pas compte des conséquences (Khmer verts, écolo = nazis)
Exemple de la ceinture de sécurité qui bénéficie au bien collectif.
44:00 - Comment on vend une société plus verte ?
La 5e limite planétaire a été franchie mais les médias restent obnubilés par Zemmour
Cependant, Jean-Marc Jancovici est passé de 20 000 à 400 000 followers en 3 ans sur LinkedIn
Vendre un programme de décroissance est aujourd’hui impossible
Si tout le monde prend 5 heures pour être formé et comprennent les conséquences du changement climatique, les gens seraient plus à même d’écouter un programme sur la décroissance.
Gouverner c’est faire des compromis et opérer avec le cadre
47:00 - Comment rendre crédible la décroissance dans le cadre actuel ?
Le “free rider” (article de bon pote : les 12 discours de l’inaction climatique)
Il y a des avantages à l’adaptation sans attendre les autres
Il n’y a pas de plan politique qui émerge pour se projeter
L’enjeu est que tout le monde discute de ces problématiques
Il faut prendre le temps de comprendre les problèmes
Les scientifiques sont insensibles aux rouages politiques
Les activistes ont du mal à comprendre que leurs cibles, qui ont une position confortable, n’ont aucun intérêt à les écouter.
Il faut une vision systémique pour trouver les bons leviers pour agir
52:30 - comment convaincre ? le name and shame ?
Un Discours entendable en entreprise se doit de respecter le cadre
On n’a pas les réponses, il s’agit de passer du temps à trouver les bonnes questions
Créer de l’empathie
Articles de fond sur le blog et « name and shame » sur les réseaux
« Je ne cherche pas le clash mais ce que je présente va à l’encontre de la logique actuelle »
Le « name and shame » est d’abord un appel aux entreprises à respecter la loi
Quand le cadre légal n’est pas bon il faut changer les lois (les « conquis sociaux »)
01:00:00 - Être contre, créer des camps, est-ce contre-productif ?
Il faut multiplier les formes pour attirer l’œil sur le fond
La réactance : risque que l’interlocuteur s’enferme dans ses positions au lieu d’écouter
Valérie Masson Delmotte reste factuelle mais ne se fait pas toujours entendre.
Point de bascule social (STP : social tipping point) : 3%-10% de la population poussent un sujet jusqu’à ce que les personnes au pouvoir ne puissent plus faire sans.
Si 10%-20% de la population a été éduquée à ces enjeux là, ce sera suffisant pour que le changement climatique ne soit plus ignoré par aucun homme politique
01:05:00 - A quoi ça sert de promouvoir la science quand les gens croient ce qu’ils veulent croire ?
On ne mène pas une bataille parce qu’on est sûr de la gagner mais parce qu’elle est juste
Post-vérité :
Trump racontait n’importe quoi et ça passait. Zemmour aussi (histoire, économie, le « grand réchauffement »)
Emmanuel Macron : « StopCovid n’est pas un échec, mais ça n’a pas marché »
Lire Anti-Bullshit ou (ré)écouter l’épisode avec Elodie Laye Mielczarek
Quand on apporte les faits après coup, c’est trop tard.
01:10:00 - Être activiste
Importance de le faire pour soi d’abord
Aller au bout des choses sans de burn-out
Les bas durent peu de temps
Douter tous les jours (même sur le réchauffement climatique !)
Écouter les critiques
01:15:00 - Injonctions à être aligné, à quitter son travail ?
La redirection de la responsabilité individuelle
Il faut penser système et collectif (article de Bon Pote : T’es écolo mais t’as un iPhone)
Approche intergénérationnelle (mon petit fils me reproche mon mode de vie passé)
« Si vous êtes en dissonance cognitive, que vous avez les moyens de quitter votre travail et que vous pensez que les enjeux climatiques sont ce qu’il y a de plus important, alors quittez votre travail et dédiez votre énergie quotidiennement à ça. »
- Aucune personne ne le regrette
01:19:00 - Sommes-nous vraiment responsables de la marche du monde ?
C’est un danger de dire que personne n’est responsable individuellement (même si Elon Musk est plus responsable)
L'étude de Carbone 4 (25% responsabilité individuelle – 75% Etat/entreprises) peut avoir des effets déresponsabilisation.
Pas responsable de la fin d’un monde mais chacun a un rôle à jouer
Certains ont plus d’emprise sur le futur des autres (Jeff Bezos a émis plus en 5min dans l’espace qu’un milliard de personnes dans toute leur vie)
On est tous responsables mais chacun à son échelle
01:23:00 - Une mesure phare si tu es au pouvoir
Thomas : L’isolation des passoires thermiques
Julien : Travailler sur les processus de décision politique
01:31:00 – Ce qui donne espoir
Il y a des signaux faibles encourageants
Un Youtubeur qui fait livrer un McDo en jet privé à retiré sa vidéo sous la pression des commentaires (article de Bon Pote : Les influenceurs brûlent la planète : interpellons-les !)
01:33:30 - Les livres de recommandés par Thomas
Les articles clés recommandés par Thomas sur son blog :
Un grand merci à Julien Delfosse pour la rédaction de ces notes !
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