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Violence sur nos écrans : la banalisation du mal.

  • Julien
  • il y a 4 jours
  • 3 min de lecture

Pourquoi la violence ne nous choque plus comme avant ? Quelles conséquences pour la société ? Enquête sur l’usure émotionnelle des images et la banalisation de la violence



Pourquoi une scène ultra-violente dans une série nous atteint moins qu’avant ? Pourquoi faut-il aujourd’hui plus d’intensité, plus de choc, pour ressentir quelque chose ?

Dans cet épisode, je pars d’un simple décalage vécu devant un écran pour remonter un fil beaucoup plus large : un siècle de fiction, l’économie de l’attention, l’explosion des images réelles filmées au téléphone, et notre système nerveux qui s’habitue sans nous prévenir.

On explore ce que la psychologie sait de la désensibilisation, ce que la sociologie dit de la disparition des médiations collectives, et ce que tout cela change dans notre rapport au tragique, aux autres, et au monde qui nous entoure.

Un épisode pour comprendre comment notre seuil sensible se déplace, et comment continuer à regarder sans s’éteindre.


Épisode enregistré le 21/11/2025




Idées clés


1. Comment la violence a changé de visage

  • La représentation de la violence a connu une escalade lente : du choc frontal de Robocop aux esthétiques ironiques de Tarantino, jusqu’à la surenchère graphique des séries et du “torture porn”.

  • L’extrême n’est plus exceptionnel : il devient un motif visuel, un langage narratif, parfois même un ressort comique.

  • L’esthétique du choc est désormais une condition pour émerger dans un environnement saturé d’images.


2. Ce que ces images font au corps

  • Les recherches de Barbara Krahé montrent une dessensibilisation progressive : le système nerveux ajuste son seuil d’alerte à mesure qu’il est exposé.

  • Le General Aggression Model (Anderson & Bushman) décrit comment le cerveau encode des “scripts” d’interprétation, rendant certains gestes ou situations plus familiers.

  • L’empathie ne disparaît pas, mais elle se déclenche plus lentement : les signaux de détresse deviennent moins saillants dans un paysage visuel saturé.


3. Le brouillage entre fiction et réel

  • La source des images s’est déplacée : après les studios, les téléphones. Les violences réelles circulent dans le même flux que les contenus anodins.

  • L’absence de médiation (discussion, cadre narratif, institution) transforme l’expérience : les images arrivent brutes, mêlées au divertissement.

  • Pour les plus jeunes, ces vidéos deviennent parfois un jeu ou un test de résistance, ce qui modifie profondément leur seuil sensible.


4. Les apports des sciences sociales

  • Elias et Foucault rappellent que les sociétés occidentales ont longtemps travaillé à éloigner la souffrance du regard, ce qui a façonné un seuil de sensibilité plus fin.

  • Debord, Postman et Arendt éclairent la dilution du tragique dans un monde où tout devient spectacle, extrait, flux continu.

  • Girard souligne l’importance des médiations collectives pour absorber la violence, aujourd’hui largement disparues.


5. L’économie du choc

  • L’attention est devenue une ressource économique : ce qui retient circule, ce qui circule rapporte.

  • La violence capte instantanément, par héritage de réflexes liés au danger, d’où son amplification par les plateformes.

  • Dans cette logique, l’escalade est structurelle : plus de contenus, plus de concurrence, donc plus d’extrême pour exister.


6. Ce que cela déplace dans la société

  • La sensibilité collective se fragilise : les émotions surgissent, mais s’épuisent plus vite.

  • On observe un décalage générationnel dans la façon de percevoir la gravité, lié à un seuil sensible formé dans le flux.

  • Dans certains milieux fragiles, la distance émotionnelle avec l’extrême se réduit, rendant certains gestes moins impensables.

  • La violence devient parfois un code social, un moyen d’exister dans une économie de la visibilité.


7. Comment regarder sans s’éteindre

  • Réintroduire du cadre : parler des images, même brièvement, pour qu’elles ne restent pas brutes.

  • Restaurer des repères simples : distinguer le réel de la fiction, ce qui a du poids de ce qui en a peu.

  • Protéger les plus jeunes : accompagner, contextualiser, anticiper.

  • Faire des choix individuels : décider ce qu’on laisse entrer, ralentir, détourner le regard quand c’est nécessaire.

  • L’enjeu central : préserver une sensibilité vivante dans un monde qui tend à l’émousser.

 
 
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